Une étude internationale publiée dans la revue Nature bouleverse notre compréhension de l’autisme. Loin de se réduire à un simple décalage d’âge dans la reconnaissance des symptômes, le moment du diagnostic reflète des trajectoires développementales distinctes et des profils génétiques particuliers.
En analysant de vastes cohortes d’enfants suivis depuis la naissance, les chercheurs ont observé deux parcours principaux. Chez certains, les difficultés sociales et comportementales apparaissent très tôt et conduisent rapidement à un diagnostic. Chez d’autres, les signes restent discrets dans l’enfance avant de s’accentuer à l’adolescence, retardant la reconnaissance du trouble. Ces trajectoires expliqueraient à elles seules près d’un tiers des différences dans l’âge du diagnostic.
Mais l’apport majeur de l’étude tient à l’analyse génétique. Les scientifiques montrent qu’environ 11 % de la variation de l’âge au diagnostic s’explique par des facteurs héréditaires. Deux profils polygéniques émergent : le premier, associé aux diagnostics précoces, est lié à des fragilités dans les aptitudes sociales et communicatives dès l’enfance ; le second, propre aux diagnostics tardifs, partage des bases génétiques avec d’autres troubles, tels que le TDAH, la dépression ou l’anxiété. L’autisme identifié tôt et celui diagnostiqué plus tard ne seraient donc pas tout à fait les mêmes réalités biologiques.
Ces résultats ouvrent des perspectives nouvelles. Ils invitent à repenser les stratégies de dépistage : certains enfants, qui semblent bien adaptés dans leurs premières années, pourraient développer des difficultés plus tard et nécessiter une surveillance spécifique. Ils éclairent aussi la diversité des formes de l’autisme, appelant à une approche plus personnalisée du diagnostic et de l’accompagnement.
Les auteurs rappellent néanmoins que la génétique ne dit pas tout : les contextes sociaux, culturels et médicaux restent déterminants dans l’âge où l’autisme est reconnu. Et ils insistent sur la nécessité d’élargir ces travaux à des populations plus diverses, les analyses ayant porté essentiellement sur des cohortes européennes.
L’étude apporte ainsi une pièce essentielle au puzzle de l’autisme. Elle montre que l’âge du diagnostic ne dépend pas seulement du regard porté par les parents ou les médecins, mais traduit aussi des différences profondes dans le développement et la biologie des individus. Une découverte qui pourrait transformer, à terme, les pratiques de dépistage et l’accompagnement des personnes autistes.
Nouhad Ourebzani