Des chercheurs d’une unité de l’Inserm de Grenoble ont enregistré une avancée remarquable en matière de recherche sur le cancer du sein, une pathologie qui cause, chaque année, des centaines de milliers de décès à travers le monde (670 000 en 2022, selon l’OMS).
Les chercheurs ont découvert, en effet, un « mécanisme moléculaire permettant aux cellules du cancer du sein de se déplacer et de conduire à la formation de métastases ».
L’Inserm précise sur son site que lorsqu’il est détecté et traité tôt, le cancer du sein guérit dans 9 cas sur 10, toutefois, « 30 à 50 % des patients diagnostiqués de manière précoce développeront des métastases, beaucoup plus problématiques et mortelles ». Afin de « bloquer ces tumeurs secondaires », l’équipe de recherche, menée par Nicolas Reynoird, s’est intéressée à un des mécanismes moléculaires à l’origine des métastases du cancer du sein. Les scientifiques ont découvert la « présence anormale de SMYD2, une enzyme capable de modifier d’autres protéines par méthylation et d’affecter ainsi leurs fonctions ».
Mettant au point des modèles de souris génétiquement modifiées qui développent spontanément des cancers du sein et produisent ou non l’enzyme SMYD2, l’équipe scientifique s’est rendue compte qu’« aux premiers abords, rien ne différencie les animaux : la présence ou l’absence de SMYD2 ne semble pas impacter l’initiation, la croissance ou la progression de la tumeur primaire ». Cependant, au cours de l’expérimentation, ils se sont rendu compte que les souris ne produisant pas SMYD2 survivent plus longtemps et ne développent pas, ou très peu, de métastases. « Ce résultat nous a motivé à rechercher les molécules qui interagissent avec SMYD2 », a indiqué Nicolas Reynoird. Cette première piste a donc permis aux chercheurs de « découdre » une série de réactions aboutissant à « l’acquisition par les cellules de la capacité à migrer : l’enzyme SMYD2 cible et modifie la molécule BCAR3, qui peut ensuite recruter et focaliser des protéines nommées FMNL à des points précis de la cellule. Les FMNL remodèlent alors le cytosquelette des cellules, conduisant à des modifications de leur forme et facilitant la formation d’excroissances qui permettent aux cellules d’avancer. Finalement, SMYD2 est donc un activateur et un amplificateur de la motricité, de la migration et de l’invasion cellulaire, à l’origine des métastases du cancer du sein ».
Pour Nicolas Reynoird et son équipe la découverte de ce mécanisme est une bonne nouvelle car avec un inhibiteur administré par voie orale, il est tout à fait possible de bloquer l’action de SMYD2 et d’empêcher la propagation des cellules métastatiques.
« Décortiquer les mécanismes moléculaires pointus sous-jacents nous a permis de mettre en lumière des cibles thérapeutiques supplémentaires au cas où l’inhibition d’une seule cible ne soit pas suffisamment efficace ou qu’elle ait des effets secondaires trop importants », a conclu Nicolas Reynoird.
En attendant des essais cliniques sur l’homme, ces découvertes « offrent aux cliniciens une nouvelle clé pour ralentir la progression des cancers en traitant les tumeurs primaires avant qu’elles ne dégénèrent en métastases difficiles à contrôler ».
Hassina Amrouni