Dans l’imaginaire collectif, le cholestérol reste associé à des excès alimentaires : plats trop gras, viandes rouges ou pâtisseries. Mais la réalité médicale est plus subtile et, surtout, bien plus inquiétante. Car le cholestérol, lorsqu’il dépasse les seuils tolérables, agit comme un ennemi silencieux qui ronge les artères de l’intérieur, prépare les infarctus et les AVC, sans provoquer le moindre symptôme. En Algérie, où la sédentarité et les déséquilibres nutritionnels se sont installés dans le quotidien, ce fléau s’impose comme l’un des grands défis de santé publique des années à venir.
Le cholestérol n’est pas, en soi, un poison. Cette molécule grasse est même indispensable : elle participe à la construction des cellules, à la production de certaines hormones et à la fabrication de la vitamine D. Le problème naît de son excès, en particulier du LDL, surnommé « mauvais cholestérol », qui s’accumule sur les parois des vaisseaux. À mesure que ces dépôts s’épaississent, ils forment des plaques d’athérome, réduisant progressivement le passage du sang. Lorsque l’une d’elles se rompt, le caillot qui se forme peut bloquer brutalement une artère coronaire ou cérébrale : c’est l’infarctus ou l’accident vasculaire cérébral.
La menace est d’autant plus redoutable qu’elle reste invisible. Des millions de personnes vivent avec un excès de cholestérol sans le savoir, car aucun signe ne vient alerter. Le dépistage par une simple analyse sanguine devient alors une arme cruciale. Les cardiologues insistent : toute personne de plus de 30 ans, surtout si elle présente d’autres facteurs de risque (tabac, diabète, hypertension, antécédents familiaux), devrait effectuer un bilan lipidique au moins une fois par an.
En Algérie, l’évolution des modes de vie favorise une explosion des cas. La consommation croissante de fast-foods, riches en graisses saturées et en sel, s’ajoute à la baisse de l’activité physique, conséquence d’une urbanisation rapide et d’un quotidien dominé par la voiture et les écrans. Le résultat est clair : un taux de surpoids élevé, un terrain favorable à l’hypercholestérolémie et, in fine, à la maladie cardiovasculaire.
Les solutions existent pourtant. Sur le plan individuel, la prévention commence dans l’assiette. Réduire les graisses animales, privilégier l’huile d’olive, les fruits secs, le poisson, les légumes et les fibres alimentaires, permet déjà de rééquilibrer le profil lipidique. Sur le plan collectif, des politiques publiques plus audacieuses seraient nécessaires : éducation nutritionnelle dès l’école, régulation de l’industrie agroalimentaire, promotion du sport et dépistages gratuits réguliers.
Lorsque l’excès de cholestérol est trop important ou lorsque le patient présente déjà des signes de maladie cardiovasculaire, les médecins recourent aux statines, ces médicaments qui réduisent la production de cholestérol par le foie et stabilisent les plaques d’athérome. Mais ils rappellent que la pilule ne suffit pas : sans changements durables du mode de vie, le risque reste entier.
Il y a, derrière le cholestérol, un paradoxe révélateur. C’est une menace silencieuse, invisible, indolore… mais parfaitement maîtrisable si l’on accepte de la prendre au sérieux. Dépistage régulier, alimentation saine, activité physique : trois gestes simples qui, appliqués à grande échelle, pourraient sauver des milliers de vies chaque année en Algérie. Le cholestérol est un ennemi invisible, mais ce n’est pas un ennemi invincible.
Ouiza Lataman