Une étude récente intitulée “The sequence–structure–function relationship of intrinsic ERα disorder”, publiée dans la revue scientifique Nature, a dévoilé un mécanisme fondamental dans le développement et la progression des cancers du sein hormonodépendants. Cette découverte pourrait ouvrir la voie à des approches thérapeutiques innovantes, répondant à un problème de santé mondiale majeur.
Une cible centrale dans le cancer du sein
Le récepteur des œstrogènes alpha (ERα) est un acteur clé dans la croissance des tumeurs du sein dites hormonodépendantes. Lorsqu’il est activé par les œstrogènes, ce récepteur favorise la prolifération cellulaire, mais il peut également agir de manière indépendante des hormones, rendant certaines tumeurs particulièrement agressives et résistantes aux traitements hormonaux.
En 2022, selon l’Organisation mondiale de la santé, le cancer du sein a touché plus de 2,3 millions de femmes et causé 670 000 décès dans le monde. Bien que les traitements actuels, comme les thérapies anti-œstrogènes, soient initialement efficaces, une résistance finit souvent par se développer, limitant leur succès à long terme.
La désorganisation intrinsèque d’ERα : un levier d’adaptation
Cette étude met en lumière un aspect méconnu de la biologie d’ERα : une région intrinsèquement désordonnée située dans son domaine N-terminal. Contrairement aux parties structurées des protéines, ces régions désordonnées adoptent des formes dynamiques, leur permettant d’interagir avec une multitude de partenaires cellulaires.
Un point essentiel révélé par les chercheurs est la phosphorylation de la sérine 118, un résidu dans cette région désordonnée. Cette modification chimique permet au récepteur d’agir indépendamment des œstrogènes, un mécanisme qui complique grandement le ciblage thérapeutique. Cette flexibilité confère à ERα un rôle adaptatif dans les environnements tumoraux complexes, favorisant la survie des cellules cancéreuses.
Une technologie de pointe au service de la recherche
Pour décortiquer ce phénomène, les scientifiques ont utilisé des techniques de pointe, telles que la spectroscopie, la modélisation informatique et l’analyse fonctionnelle. Ces outils leur ont permis de mieux comprendre la relation entre la séquence, la structure et les fonctions de cette région désordonnée.
Les résultats montrent que cette désorganisation n’est pas un défaut aléatoire, mais une caractéristique fonctionnelle essentielle qui donne au récepteur sa capacité à évoluer face aux traitements.
Implications pour de nouvelles thérapies
Les implications cliniques de ces découvertes sont considérables. En ciblant spécifiquement cette région désordonnée ou en inhibant la phosphorylation de la sérine 118, il serait possible de bloquer l’activation indépendante des œstrogènes. Une telle stratégie pourrait offrir une alternative aux patientes atteintes de cancers résistants, réduisant ainsi les échecs thérapeutiques et améliorant leur survie.
En outre, cette recherche met en évidence l’importance d’étudier les régions désordonnées des protéines, souvent négligées, comme cibles potentielles pour de nouveaux médicaments.
Recherche fondamentale et espoir thérapeutique
Cette étude souligne le rôle crucial de la recherche fondamentale dans la lutte contre des maladies complexes comme le cancer. En explorant les subtilités des mécanismes moléculaires, les scientifiques ouvrent des perspectives jusque-là insoupçonnées.
Alors que les cancers hormonodépendants continuent d’affecter des millions de femmes dans le monde, cette avancée redonne espoir. La désorganisation intrinsèque d’ERα, autrefois perçue comme un simple phénomène biologique, se révèle être une clé essentielle pour comprendre et traiter cette maladie.
Amina Azoune