Data contre dogme : une étude du NEJM bouscule un interdit ancien sur la réhydratation intraveineuse des enfants malnutris

Une étude publiée dans le New England Journal of Medicine remet en question une règle médicale longtemps considérée comme intangible : l’interdiction d’administrer des fluides par voie intraveineuse aux enfants souffrant de malnutrition sévère. Les nouvelles données montrent qu’un tel traitement pourrait, en réalité, être sûr — voire salvateur.

Pendant des décennies, les directives internationales, notamment celles de l’Organisation mondiale de la santé, ont déconseillé la réhydratation intraveineuse chez les enfants sévèrement malnutris. Le motif semblait logique : leur cœur fragile et leur équilibre hydro-électrolytique perturbé les rendraient incapables de supporter un afflux rapide de liquides. La prudence est ainsi devenue dogme — un principe répété sans jamais avoir été solidement démontré.

C’est précisément cette certitude que vient ébranler une étude récente commentée dans le New England Journal of Medicine par le pédiatre britannique Pr Mark J. Peters, sous le titre évocateur : « Data versus Dogma — Safety of Intravenous Rehydration in Severely Malnourished Children ».

S’appuyant sur les résultats de la vaste étude GASTROSAM, menée en Afrique auprès de 272 enfants souffrant de malnutrition sévère et de déshydratation liée à des diarrhées aiguës, l’article confronte les données empiriques à la tradition clinique. Trois stratégies ont été comparées : la méthode conventionnelle (réhydratation orale uniquement), une perfusion intraveineuse rapide, et une perfusion intraveineuse lente.

Les résultats sont sans ambiguïté : aucune augmentation de la mortalité ni des complications cardiaques n’a été observée chez les enfants ayant reçu des fluides par voie intraveineuse. Mieux encore, plusieurs ont montré une amélioration plus rapide de leur état circulatoire que ceux traités par voie orale. Autrement dit, ce qui était autrefois considéré comme dangereux pourrait être non seulement sûr, mais parfois nécessaire.

Le constat va à l’encontre d’une prudence quasi religieuse, qui imposait aux soignants de se contenter de solutions de réhydratation orale, même lorsque l’enfant, trop faible pour avaler, devait être perfusé par sonde nasogastrique, avec un risque accru de vomissements et de complications.

Pour le professeur Mark Peters, ces résultats doivent inciter à une réévaluation sereine des recommandations :

« Les données nouvelles ne signifient pas l’abandon du bon sens, mais elles nous obligent à revisiter nos certitudes. Parfois, la peur du risque prive les enfants d’un traitement qui pourrait leur sauver la vie. »

L’auteur reste toutefois prudent : cette étude, bien que robuste, demeure limitée dans son ampleur géographique et nécessite d’être confirmée dans d’autres contextes cliniques.

Mais une chose est sûre : l’équilibre entre la science et le dogme vient d’être bouleversé. Et dans cette bataille, ce sont peut-être les enfants les plus vulnérables du monde qui ont le plus à y gagner.
Nouhad Ourebzani