ÉVALUATION DE LA DANGEROSITÉ  EN PSYCHIATRIE.QU’EN EST IL SUR LE TERRAIN ?

 

 

ASSESMENT OF DANGEROUSNESS IN PSYCHIATRY. WHAT ARE THEY IN THE FIELD?

Summary :

We are confronted with violence on a daily basis, through the media and social networks. This scourge brings into play the presence of several factors favoring the potential for dangerousness in some people compared to others. The distinction between criminal dangerousness and psychiatric dangerousness is essential for care. Psychiatry is often confronted with emergencies, the examination of a violent patient, assigning him the heavy task of deciding on the potential danger (for himself and for others) of this patient, and the risk of recidivism. . What about on the ground?

Key words :

Dangerousness, psychiatry, criminology, emergencies, evaluation, certificate of dangerousness

    ÉVALUATION DE LA DANGEROSITÉ  EN PSYCHIATRIE.QU’EN EST IL SUR  LE TERRAIN ?

Résumé :

Nous sommes quotidiennement confrontés à la violence, et ce à travers les médias et les réseaux  sociaux. Ce fléau met en jeu la présence de plusieurs facteurs favorisant le potentiel de dangerosité chez certaine personnes par rapport à d’autres.

La distinction de la dangerosité criminelle et de la dangerosité psychiatrique est indispensable pour la prise en charge.

Le psychiatrie est souvent confronté aux urgences, à l’examen d’un patient violent, en lui attribuant la lourde tache de se prononcer sur le potentiel de dangerosité (pour lui-même et pour autrui) de ce patient, et du risque de récidive.

Qu’en est-il sur le terrain ?

Mots clés :

Dangerosité, psychiatrie, criminologie, urgences, évaluation, certificat de dangerosité.

 

 

INTRODUCTION :

Depuis le temps asilaire, le psychiatre a toujours eu la lourde tache de se prononcer sur le danger potentiel du malade mental.

Aujourd’hui dans notre société avec la médiatisation quasi quotidienne des actes de violence qui ne cessent d’augmenter, on attend de nous de prédire avec certitude un éventuel passage à l’acte et par conséquent l’évaluation de la dangerosité.

Nous sommes quotidiennement confrontés à ce litige notamment aux urgences de psychiatrie.

DEFINITIONS DES CONCEPTS :

Il n’existe aucune définition médico-légale valable de la dangerosité. Classiquement  on distingue:

  •  la dangerosité criminologique
  •  la dangerosité psychiatrique

1.DEFINITION CRIMINOLOGIQUE:

Le terme dangerosité au sens criminologique est un phénomène psychosocial de grande probabilité de commettre une infraction contre des personnes ou des biens : c’est un pronostic de la récidive.

Pour l’OMS , qui en donne une définition plus large, il s’agit de :« l’usage délibéré ou la menace d’usage délibéré de la force physique ou de la puissance contre soi-même, contre une autre personne ou contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque d’entraîner un traumatisme, un décès, un dommage moral, un mal développement ou une carence ».

Il existe une grande diversité de comportements violents. La plupart des études se fondent sur des définitions opérationnelles des actes violents comme par exemple : frapper, menacer avec un objet ou une arme, casser des objets, frapper dans les murs,

Pour l’OMS , qui en donne une définition plus large, il s’agit de :« l’usage délibéré ou la menace d’usage délibéré de la force physique ou de la puissance contre soi-même, contre une autre personne ou contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque d’entraîner un traumatisme, un décès, un dommage moral, un mal développement ou une carence ».

Il existe une grande diversité de comportements violents. La plupart des études se fondent sur des définitions opérationnelles des actes violents comme par exemple : frapper, menacer avec un objet ou une arme, casser des objets, frapper dans les murs, avoir été condamné pour homicide……..

2.DEFINITION PSYCHIATRIQUE:

Dangerosité psychiatrique : elle se définit comme un « risque de passage à l’acte principalement lié à un trouble mental et notamment au mécanisme et à la thématique délirante »

ou plus généralement comme une « manifestation symptomatique liée à l’expression directe de la maladie mentale » ( Selon la Fédération Française de Psychiatrie sur l’expertise pénale (2005)  )

Le risque de passage à l’acte existe à un moment donné, dans une phase de décompensation de la maladie ; il peut être auto ou hétéro-agressif, c’est-à-dire qu’il présente un risque pour soi ou pour autrui. C’est par exemple le risque de défenestration suite à une injonction hallucinatoire ou d’agression secondaire à une persécution délirante.

TROUBLES MENTAUX ET PASSAGE A L’ACTE VIOLENT:

Un nombre d’études a montré que les personnes ayant des troubles psychiques représentent 3 à 5 % des actes de violence en général. Si dans  les pays industrialisés le taux des homicides est compris entre 1 et 5 pour 100 000 habitants,  les personnes atteintes de troubles psychiques sévères ne seraient responsables que de  0,16 homicide pour 100 000 habitants, soit environ un homicide sur 20 . (HAS, 2010)

De plus, le lien entre dangerosité et troubles psychiques n’est pas scientifiquement avéré. Il est très difficile de prédire la survenue d’un comportement violent chez une personne, les facteurs étant trop multiples et hétérogènes. La prédiction d’un pronostic de dangerosité par des professionnels n’est correcte que dans un tiers des cas, avec une nette tendance à la surestimation de cette dangerosité (Monahan, 1981).

Des facteurs dans le risque de passage à l’acte agressif pour autrui chez les sujets schizophrènes ont été identifié(HAS 2010); dont des facteurs socio-démographiques (âge jeune, sexe masculin), historiques (antécédents de violence envers autrui), contextuels (évènement de vie stressant dans l’année précédant le passage à l’acte) et cliniques (forme paranoïde, symptomatologie psychotique aiguë, mauvaise observance médicamenteuse).

Par ailleurs, l’abus de substances psychoactives ou les antécédents de violence constituent des facteurs prépondérants de passage à l’acte criminel. Que la personne soit ou non atteinte d’un trouble psychique, le risque de comportement violent dans la population générale est multiplié par huit en cas de prise de substances psychoactives (alcool, cannabis, cocaïne, opiacés). La présence de troubles psychotiques graves n’augmente ce risque que de 1,8 à 2,3 fois(HAS 2010).

ÉVALUATION DE LA DANGEROSITÉ :

l’évaluation du risque de violence implique :

-L’entretien clinique et l’étude des différents facteurs de risque de violence .

-Les échelles d’évaluation:

PCL-R

HCR-20

VRAG…..

L’ENTRETIEN CLINIQUE ET LES FACTEURS DE RISQUE DE VIOLENCE :

L’évaluation de la dangerosité psychiatrique, implique l’étude de différents facteurs lors d’un entretien clinique.

Ces facteurs de risque sont examinés et portés sur  4 axes : individuels,  anamnestiques, cliniques, et contextuels

1.FDR individuels :

.De sexe masculin

. L’âge jeune < 40 ans

. le faible niveau d’étude et socioéconomique

  1. FDR anamnestiques :

. ATCD  de troubles des conduites dans l’enfance

. La violence subie ou agie de l’individu

  1. FDR cliniques :
  2. a) Pathologie psychiatrique

– schizophrénie

– paranoia

-Troubles de la personnalité

-épisode maniaque et mélancolique

– épilepsie

– démence

– déficience intellectuelle

  1. b) Abus / dépendance à une substance
  2. c) L’insight
  3. d) Adhésion aux soins / Observance thérapeutique
  4. FDR contextuels:

Varient selon les situations et sont fonctions de:

– L’environnement.

– Des conditions sociales.

– Des circonstances .

LES ECHELLES D’EVALUATION:

  • Qui sont classées en:

1.Méthodes actuarielles d’évaluation:  donnent une estimation quantitative et statistique du risque . Ce sont des instruments structurés utilisant des variables anamnestiques et sociodémographiques mesurables

On en distingue 2 types:

a) L’utilisation actuarielle de tests psychologiques particuliers : plusieurs études ont établi que l’évaluation des traits de personnalité psychopathique permettait d’améliorer la prédiction de la récidive criminelle à l’âge adulte la PCL-R ( Echelle de Psychopathie de Hare).

b) Les instruments actuariels d’évaluation du risque : il s’agit d’instruments purement algorithmiques, valables pour une population donnée, pour un risque donné et dans une période donnée. Le principal instrument actuariel d’évaluation du risque est la VRAG (Violence Risk Appraisal Guide) .

2.Outils de jugement structurés ou semi-structurés:

associent des connaissances sur la violence et évaluation clinique , pour aboutir à une estimation qualitative , tenant surtout compte du contexte individuel dont le prototype est l’HCR 20 (Historial Clinical Risk 20) résume en 20 items portés  sur les informations sur le passé le présent et l’avenir de notre patient.

 

AUX URGENCES DE PSYCHIATRIE?

Compte tenu de tout ce que cela nécessite, sommes-nous aptes à évaluer la dangerosité aux urgences psychiatriques?

Aux urgences psychiatriques, du point de vue temporalité nous sommes souvent face à l’évaluation du risque immédiat, qui s’impose à l’instant même et qui est susceptible de changer avec l’évolution de la symptomatologie.

Hors niveau du service de psychiatrie légale, on se retrouve souvent face à des HO avec un délai conséquent entre l’établissement d’un certificat de dangerosité au niveau des urgences psychiatrique et l’hospitalisation elle-même

Après plusieurs semaines voir des mois, ce même certificat est il toujours valable ?

Aux urgences de psychiatrie nous somme confrontés :

Au temps: très court , le personnel qui nous met la pression  du fait d’autres urgences qui attendent……

A l’anamnèse insuffisante: Souvent référents absents, démissionnaire.  Parfois des versions différentes selon les membres. Symptomatologie décrite tronquée. Souvent accompagné par la protection civile.

L’examen psychiatrique:

L’entretien clinique est très bref.

Réticence du patient, mutisme, agitation….

Impossibilité d’avoir recours aux échelles d’évaluation.

Au final le psychiatre de garde aux urgences ne peut pas se prononcer avec certitude sur le potentiel de dangerosité d’un patient.

ILLUSTRATIONS CLINIQUES :        

1er cas:

Patient âgé de 33 ans, célibataire originaire et demeurant à Alger sans profession.

L’hospitalisation:

Admis .2016 à notre niveau en HO suite à un arrêté.

L’examen clinique, nous met face à un jeune patient porteur d’une affection congénitale(T21) dont le faciès est particulier, associée à de multiples malformations.

Durant son hospitalisation n’a causé aucun problème et aucun troubles du comportement n’a été rapporté chez lui.(6mois d’hospitalisation)

N’a jamais reçu de visite, Il s’agirait là d’un rejet familial

L’hospitalisation d’office et par conséquent le certificat de dangerosité, délivré aux urgences, n’auraient ils  pas été abusifs?

2éme cas:

Patient âgé de 51 ans, célibataire, originaire et demeurant à Alger, sans profession.

L’hospitalisation:

Admis  en septembre 2016 en HO suite à un arrêté.

 

Nous avons :

Certificat de dangerosité a été établi en mars 2016.

La demande de placement d’office faite en mai 2016

ET l’arrêté du placement signé en fin mai 2016.

 

DISCUSSION :

L’hospitalisation d’office se fait après établissement d’un certificat de dangerosité du patient, qui en est la pièce maîtresse.

Dans le 1er cas :

Sachant que notre patient a une insuffisance mentale profonde frappante, avec une TCV négligée, un discours puéril, énurétique coprorésique  ne bénéficiant d’aucune autonomie.

Et n’a présenté aucun trouble du comportent depuis son admission

A-t-il vraiment sa place dans un service fermé?

Dans le 2éme cas :

Sachant que l’hospitalisation de notre patient ne s’est faite que le 20.09.2016

ce certificat de dangerosité établi prêt de 6 mois avant l’hospitalisation, est il toujours valable?

 

CONCLUSION

L’évaluation de la dangerosité psychiatrique et criminologique a de lourdes conséquences humaines, médicales, sociales et judiciaires. C’est l’une des missions les plus difficiles qui puisse être confiée à un psychiatre.

Malgré les facteurs de risque de violence et les instruments d’évaluation du risque développés leur fiabilité demeure peu certaine, surtout au niveau des urgences de psychiatrie ou plusieurs facteurs perturbants se surajoutent.

BIBLIOGRAPHIE :

1 Niveau G, Evaluation de la dangerosité et du risque de récidive, Ed l’Harmattan, 2011

2– HAS – Audition publique -Synthèse bibliographique décembre 2010 Recommandations de la commission d’auditions, mars 2011 sur : Dangerosité psychiatrique : étude d’évaluation des facteurs de risque de violence hétéro agressive chez les personnes ayant une schizophrénie ou des troubles de l’humeur.

 

Auteurs :

Y.SADOUKI 

Université FERHAT ABBAS 1, faculté de médecine de Sétif, établissement  hospitalier spécialisé en psychiatrie Ain Abassa Sétif, Algérie.

R.KHETTAB

Université Blida1, faculté de médecine de Blida, service de psychiatrie légale, établissement hospitalier spécialisé en psychiatrie, hôpital Frantz Fanon de Blida, Algérie.

 

 

 

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