Ce n’est pas fini et cela ne tend pas à prendre fin, ce sont de longues années marquées par des ruptures de stock de médicaments dénoncées par les pharmaciens, en vain. Les pouvoirs publics ont tant de fois promis d’élaborer des lois afin de réglementer la gestion des stocks de médicaments, la distribution et l’approvisionnement des officines. Les promesses n’ont pas été suivies d’effet, le problème reste entier. Il y a une semaine, un membre du Syndicat national algérien des pharmaciens d’officine (SNAPO), Mouloud Smaïli, qui intervenait dans une émission de la radio locale de Tizi-Ouzou, a justement évoqué « une situation récurrente de pénuries ». Il a déclaré qu’au 31 juillet dernier, 358 produits pharmaceutiques, toutes spécialités confondues, sont soit en rupture de stock, donc carrément introuvables sur le marché, soit sous tension, c’est-à-dire difficiles à trouver. Il a indiqué que les traitements qui souffrent de ces pénuries concernent les maladies chroniques telles que la cardiologie, l’hypertension artérielle et la diabétologie, ainsi que la pédiatrie, l’endocrinologie, la gynécologie et la dermatologie. Des pharmaciens que nous avons interrogés sur ce problème ont confirmé la difficulté à trouver ces traitements, assurant que les médicaments sont disponibles chez les grossistes et qu’il s’agit de rétention. « Ces derniers font de la vente concomitante. Nous devons faire de grosses commandes de produits pharmaceutiques de toutes les catégories même si nous les avons, pour avoir quelques boîtes, une quinzaine tout au plus, de médicaments manquants comme les traitements de maladies cardio-vasculaires, le goitre, la goutte, les maladies de la prostate ou la vitamine D pour ne citer que ceux-là » indique un pharmacien qui déplore que les fournisseurs « imposent leur loi ». Plus grave encore, il n’y a parfois aucune boite parmi ces produits tellement attendus au milieu de toute la commande. « C’est carrément une arnaque » peste un autre pharmacien. « Nous faisons comme veulent les grossistes pour que finalement lorsque nous déballons la commande reçue, nous ne trouvons pas les médicaments tant attendus. Imaginez les malades souffrant de troubles psychiatriques dont nous ne pouvons honorer l’ordonnance. Eh bien, nous sommes obligés de nous entraider entre pharmaciens pour ne pas laisser ces malades sans traitement ». Il en va de même pour les hypertendus et les risques encourus, les personnes souffrant de maladies de la prostate ou les femmes enceintes et les nouveau-nés en ce qui concerne la vitamine D. « Nous recevons 10 boites au milieu d’une commande d’un million de dinars alors qu’il y a une forte demande » souligne notre interlocuteur. Une pratique dénoncée par M. Mouloud Smaïli dans son intervention, pointant du doigt « le diktat de certaines pratiques commerciales illégales, comme la vente concomitante sous forme de produits packs et aussi la rétention des médicaments ». Il relève que ce procédé appliqué par « certains réseaux de distribution qui appliquent les pratiques des anciens Souk el-fellah, à savoir la vente concomitante » étouffe les pharmaciens et « laisse les patients dans le désarroi », sans oublier qu’il créé une anarchie dans le secteur du médicament et ouvre la voie à l’importation informelle et même à la contrebande du médicament, relève-t-il. « C’est pour cela que nous ne cessons pas de réclamer plus de contrôle et de traçabilité dans les circuits de distribution ». Finalement, la création, l’année dernière, d’une cellule de veille nationale chargée de recenser les produits en rupture ou sous tension n’a pas eu les résultats escomptés : mettre fin aux ruptures de stock et aux tensions sur les médicaments, comme l’a souligné M. Mouloud Smaïli qui appelle à l’assainissement du marché du médicament.
Nadia Rechoud