Dans une enquête scientifique d’une rare précision, publiée dans Scientific Reports en mai 2025, une équipe de chercheurs de la cohorte française SEPAGES explore les effets méconnus de la pollution atmosphérique sur le système immunitaire des femmes enceintes. Loin des simples moyennes environnementales, cette étude s’appuie sur des données d’exposition personnelle recueillies en continu auprès de 270 participantes, évaluant non seulement les concentrations de dioxyde d’azote (NO₂) et de particules fines (PM₂,₅), mais aussi leur potentiel oxydant — indicateur de leur capacité à générer un stress biologique.
Les résultats révèlent une altération subtile mais préoccupante de la réponse immunitaire. Le NO₂, gaz irritant issu notamment du trafic routier, est associé à une augmentation de cytokines anti-inflammatoires comme l’IL‑10, et à une diminution de réponses pro-inflammatoires après stimulation cellulaire. Ce basculement, en apparence protecteur, pourrait en réalité traduire un dérèglement de l’équilibre immunitaire maternel.
Mais ce sont surtout les particules fines riches en potentiel oxydant qui retiennent l’attention. Lorsqu’elles présentent une forte réactivité chimique, mesurée via des tests spécifiques (DTT et AA), ces microparticules modifient profondément certains marqueurs immunitaires clés : réduction de l’IL‑8, impliquée dans les premières lignes de défense de l’organisme, et élévation de l’IL‑17A, cytokine au rôle central dans l’inflammation chronique, les complications obstétricales et le développement fœtal.
Ces signaux biologiques ne relèvent pas de simples corrélations statistiques : ils dessinent les contours d’un risque sanitaire discret mais tangible, que l’air respiré par une femme enceinte puisse moduler les fondations mêmes de son immunité. En identifiant le pouvoir oxydant des particules comme un facteur déterminant, cette étude appelle à dépasser la seule logique de seuils réglementaires, pour aller vers une lecture qualitative de la pollution ambiante.
À l’heure où la science affine sa compréhension du lien entre environnement et santé périnatale, ce travail éclaire une urgence silencieuse : celle de repenser la protection des femmes enceintes face à une menace atmosphérique d’autant plus pernicieuse qu’elle demeure invisible.
Nouhad Ourebzani