Le malaise s’installe au niveau des structures sanitaires relevant du secteur public depuis la mise en application par la tutelle de la décision d’enrôler d’office les médecins généralistes dans les structures des urgences médicales pour remplacer au pied levé les médecins résidents ayant déserté les gardes pour protester contre la non-satisfaction de leurs revendications.
Les médecins généralistes et les spécialistes vaquent aux occupations des médecins résidents assumant surcharge de travail et l’anarchie causée par l’arrêt des gardes. Ils dénoncent en toile de fond l’incapacité des autorités à gérer une situation exceptionnelle dans les hôpitaux. Alors que certains praticiens ont annoncé qu’ils ne recevraient désormais que les urgences et les patients orientés de structures avoisinantes avec lettre d’orientation, ainsi que l’arrêt des consultations, la corporation des médecins généralistes réquisitionnés ainsi que les spécialistes qui officient déjà dans les urgences des CHU accordent un sursis d’une semaine à la tutelle. Le cas échéant, ils déclineraient toute responsabilité quant aux désagréments que les patients risqueraient de connaitre à l’avenir.
Pour rappel, les médecins résidents ont observé un arrêt depuis le 29 avril dernier du service minimum qu’ils assuraient depuis le début de leur protestation.
Les hospitalo-universitaires ont emboité le pas en déclenchant à leur tour une grève illimitée depuis la semaine dernière pour l’enseignement et les examens. Les CHU, censés être des espaces pour la pratique pédagogique médicale sont vidés de leur sens. Cette lame de fond risque d’atteindre les internes qui parlent déjà d’un mouvement de protestation à venir.
Parole de Professeur
Cette situation kafkaïenne dans laquelle se retrouve le secteur de la santé publique censé bénéficier de tous les égards de la part des responsables qui en sont les gestionnaires et les garants d’un accès équitable et organisé aux soins, nous a amenés à nous rapprocher des praticiens dont certains, à l’image de ce professeur responsable d’un service dans un établissement hospitalier de la capitale, qui mènent un combat parfois douteux au prix de beaucoup de sacrifices afin préserver la pérennité du service public médical.
D’emblée, notre interlocutrice estime que « nous sommes dans une situation inédite qui fait que nous ne pouvons pas laisser les malades sans prise en charge ». Par ailleurs, elle considère qu’«il est normal que les généralistes fassent le tri aux urgences c’est leur job!! Ils ne sont pas seuls il y a un assistant avec eux. Nos malades, surtout les démunis, sont obligés de venir à l’hôpital et nous n’avons pas le droit de leur tourner le dos », explique-t-elle. « Tout le monde est réquisitionné et c’est notre devoir en tant que médecin de faire de notre mieux pour aider. Même les internes sont impliqués ainsi que ceux du service que je dirige, ils ont tous participé et sont très contents d’avoir pu aider », témoigne-t-elle de l’ambiance qui prévaut ces jours-ci dans les structures sanitaires publiques. « Imaginez qu’il y ait eu un séisme, toute la population aurait été sur le front pour aider. C’est pareil ! », commente-t-elle. Pour ce professeur en médecine, « ce qui se passe est très grave ! Jamais un médecin n’a eu un tel comportement !!! Il faut lire le statut du résident de 2011, la garde est obligatoire !!! Maintenant chacun sa conscience !!! Je suis désolée de le dire ils ne méritent pas de porter une blouse blanche. Quand on fait médecine on se donne corps et âme à son malade et à ses étudiants !!! Cette génération ne l’a pas compris et c’est dommage !!! », regrette-t-elle à propos de la radicalisation de la protestation par les médecins résidents qui contestent l’obligation d’assurer les gardes dans les urgences durant leurs cursus pédagogiques.
Le professeur en médecine ne baisse pas les bras et tient à montrer que des chefs de services médicaux sont professionnels et consciencieux vis-à-vis de leurs malades et des médecins résidents pour expliquer cette incompréhension à l’égard de la réaction des grévistes. Et de s’interroger si leur comportement est cohérent.
Tinhinane B.