Depuis une semaine, les marchés algériens connaissent une détente inattendue : la sardine, longtemps affichée à des prix exorbitants, est redevenue plus abordable. Ce retour du poisson bleu sur les étals, salué par les consommateurs, ne revêt pas seulement une dimension économique. Il se trouve qu’au même moment, la science internationale met en avant ce petit poisson comme l’un des aliments les plus prometteurs pour la santé humaine.
Une étude publiée en avril 2024 dans la revue BMJ Global Health a en effet montré qu’un simple ajustement alimentaire pourrait changer la donne : remplacer une partie de la consommation de viande rouge par des poissons comme la sardine, l’anchois ou le hareng, permettrait d’éviter jusqu’à 750 000 décès prématurés chaque année d’ici 2050. Les chercheurs se sont appuyés sur des données issues de 137 pays pour établir leurs scénarios, en évaluant les effets nutritionnels et environnementaux de ce basculement.
Le résultat est sans appel : les bénéfices sanitaires sont considérables. Riche en acides gras oméga-3, en calcium et en vitamine B12, la sardine agit comme un bouclier naturel contre les maladies cardiovasculaires, l’hypertension, le diabète de type 2 et certains cancers. Contrairement à la viande rouge, dont la consommation excessive est associée à un accroissement du risque de pathologies chroniques, la sardine fournit une source de protéines de haute qualité tout en améliorant l’équilibre nutritionnel global.
Les avantages ne s’arrêtent pas là. Sur le plan écologique, les chercheurs rappellent que la sardine et les autres « poissons fourragers » laissent une empreinte carbone bien plus faible que l’élevage bovin ou ovin. Ce double atout – santé et durabilité – place le poisson bleu au cœur des stratégies alimentaires du futur. L’étude souligne même que les pays à faibles et moyens revenus, où les taux de maladies métaboliques progressent rapidement, pourraient tirer un bénéfice particulier d’une réintégration régulière de ces poissons dans leur régime alimentaire.
En Algérie, ce constat résonne fortement. La sardine a longtemps été considérée comme « le poisson du peuple », un aliment simple et nutritif, présent sur la plupart des tables. Mais son prix, souvent plus élevé que celui de certaines viandes, l’a progressivement éloignée de la consommation populaire. Sa récente baisse de prix redonne espoir aux familles et, au regard des résultats scientifiques, elle pourrait aussi contribuer à réduire la charge croissante des maladies chroniques dans notre pays.
Car les chiffres sont préoccupants : l’Algérie, comme de nombreux pays méditerranéens, connaît une augmentation continue des maladies cardiovasculaires et du diabète, liées en partie aux changements d’habitudes alimentaires et à l’excès de produits transformés. Dans ce contexte, réhabiliter la sardine n’est pas seulement un geste économique, c’est un véritable choix de santé publique.
Au-delà de la conjoncture, l’étude internationale rappelle qu’il ne s’agit pas de bannir totalement la viande rouge, mais de l’équilibrer par une plus grande place accordée aux produits de la mer. Une orientation qui rejoint les recommandations de nombreux nutritionnistes, invitant à retrouver l’esprit de l’alimentation méditerranéenne : variée, riche en végétaux, en huile d’olive et en poissons.
La sardine, avec son goût familier et sa valeur nutritionnelle exceptionnelle, illustre mieux que tout autre aliment ce que pourrait être une prévention « à portée d’assiette ». Si sa présence régulière dans nos marchés se confirme, et si les consommateurs renouent avec ce poisson emblématique, alors la science et le quotidien des Algériens pourraient se rencontrer autour d’un plat simple, mais porteur d’un immense potentiel pour la santé.
Ouiza Lataman