Trois arbres, un parc, un quartier vert : la règle simple qui pourrait transformer la santé mentale des Algériens

À Barcelone, une étude récente de l’Institut de santé mondiale a confirmé l’importance de la « règle des 3-30-300 » pour le bien-être psychologique. Cette formule a été proposée par Cecil Konijnendijk, professeur néerlandais de foresterie urbaine, reconnu comme l’un des plus grands spécialistes mondiaux des relations entre espaces verts et santé publique.

Le principe repose sur trois critères simples : voir au moins trois arbres depuis sa fenêtre, vivre dans un quartier où 30 % de la surface est couverte de végétation, et habiter à moins de 300 mètres d’un espace vert public. Selon les résultats publiés, les habitants qui bénéficient de ce cadre de vie présentent un taux plus faible de stress, moins de recours aux antidépresseurs et une meilleure qualité de vie.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : à Barcelone, l’application de cette règle a été associée à une réduction de 13 % des prescriptions de psychotropes. Pourtant, seuls 4,7 % des habitants de la ville remplissent réellement ces trois conditions. Si la capitale catalane, pourtant riche en espaces urbains aménagés, reste loin du compte, que dire des grandes villes algériennes ?

À Alger, rares sont les quartiers où l’on peut observer trois arbres depuis son balcon. Même dans des zones emblématiques comme Bab El Oued ou Kouba, les immeubles dominent un paysage minéral où les arbres peinent à survivre. Le Jardin d’Essai du Hamma, fleuron botanique connu à l’international, reste un espace exceptionnel mais trop éloigné pour la majorité des habitants. Oran, malgré son front de mer et ses quelques jardins, souffre d’un manque criant de parcs accessibles dans ses quartiers populaires. À Constantine, l’urbanisation rapide a transformé nombre d’espaces verts en parkings, privant les habitants d’un contact direct avec la nature.

Cette carence n’est pas qu’une question d’esthétique. Elle a des conséquences réelles sur la santé mentale. Les psychiatres en Algérie alertent déjà sur la hausse des cas de dépression, d’anxiété et de troubles du sommeil, notamment chez les jeunes. Or, un simple alignement d’arbres dans une rue ou la présence d’un petit square accessible peut réduire la chaleur, absorber une partie du bruit urbain et procurer un effet apaisant, équivalent à une véritable « respiration psychologique ».

Dans un pays où les hôpitaux psychiatriques sont saturés et où l’accès aux soins reste limité, investir dans les espaces verts pourrait s’avérer aussi bénéfique que construire de nouveaux établissements de santé. Planter des arbres, entretenir les jardins existants et rapprocher les parcs des quartiers populaires ne relèvent pas du luxe, mais d’une stratégie de santé publique.

La règle des 3-30-300, pensée par un expert international, offre un cadre clair : trois arbres visibles depuis la fenêtre, 30 % d’espaces verts dans le quartier, un parc à 300 mètres. Appliquée à Alger, Oran ou Constantine, elle permettrait d’imaginer une ville qui respire, où les habitants ne se sentent pas étouffés par le béton. Elle devrait inspirer les urbanistes, les élus locaux et les autorités sanitaires, car elle allie simplicité et efficacité.

En définitive, améliorer le bien-être des Algériens ne dépend pas uniquement de réformes hospitalières ou de campagnes de sensibilisation. Il suffit parfois d’un geste simple : planter, préserver, entretenir. Trois arbres visibles depuis sa fenêtre peuvent valoir plus qu’une ordonnance.

Ouiza Lataman