Et si un simple déficit en vitamines B pouvait influencer la santé du cerveau, du cœur et même le risque de certaines maladies graves ? C’est ce que démontre une étude majeure menée aux États-Unis par l’Université Tufts, qui révèle l’impact insoupçonné de ces huit nutriments essentiels sur des fonctions vitales allant de la mémoire à la tension artérielle. Bien plus que de modestes soutiens métaboliques, les vitamines B apparaissent désormais comme de véritables leviers thérapeutiques potentiels.
Leur influence repose sur un rôle central dans le one-carbon metabolism, une voie biochimique indispensable à la synthèse de l’ADN, au métabolisme des acides aminés et à la régulation cellulaire. Lorsque l’apport est insuffisant, même de manière subtile, c’est l’équilibre de l’ensemble de l’organisme qui peut vaciller.
Chez les personnes âgées, la question devient cruciale : près de 40 % des individus âgés de 75 à 80 ans absorbent mal la vitamine B₁₂, un déficit souvent silencieux mais qui contribue au déclin cognitif et peut accélérer l’évolution de troubles neurodégénératifs. Les auteurs de l’étude insistent sur la nécessité d’un dépistage plus affiné, intégrant le dosage de l’acide méthylmalonique (MMA) et de l’homocystéine, afin d’identifier les déficits précocement et d’éviter des lésions cérébrales irréversibles.
Les bénéfices des vitamines B s’étendent également à la santé cardiovasculaire. La riboflavine (B₂) pourrait réduire la pression artérielle chez les personnes porteuses du variant génétique MTHFR 677 TT, tandis que les vitamines B₆, B₁₂ et le folate contribuent à abaisser les niveaux d’homocystéine, un facteur de risque bien établi pour les maladies cardiaques et les AVC. Si les données cliniques montrent une réduction modeste du risque d’AVC, elles n’ont pas encore prouvé d’effet significatif sur la mortalité cardiovasculaire.
Certaines formes de vitamine B possèdent des atouts spécifiques. Le niacine (B₃) améliore le profil lipidique en augmentant le HDL et en diminuant le LDL, mais son utilisation est souvent limitée par des effets secondaires comme les bouffées de chaleur. La pyridoxine (B₆) suscite, elle, un intérêt croissant pour ses propriétés anti-inflammatoires, potentiellement utiles dans la prévention des maladies chroniques liées au vieillissement, tout en nécessitant un encadrement strict en raison de sa toxicité à forte dose.
En définitive, cette étude américaine repositionne les vitamines B au centre du débat sur la médecine préventive. Loin d’être de simples compléments, elles constituent des éléments stratégiques dont l’usage raisonné, adapté à l’âge, à la génétique et aux besoins individuels, pourrait transformer les pratiques cliniques et redéfinir les approches de prévention dans plusieurs disciplines médicales.
Ouiza Lataman