Une étude publiée le 3 novembre 2025 dans Nature Medicine apporte une éclaircie dans le sombre paysage de la maladie d’Alzheimer. Son titre résume à lui seul la promesse qu’elle porte : « Physical activity as a modifiable risk factor in preclinical Alzheimer’s disease » — autrement dit, l’activité physique pourrait modifier le cours de la maladie, avant même qu’elle ne se déclare.
La maladie d’Alzheimer ne commence pas quand la mémoire flanche : elle s’installe silencieusement, parfois dix à quinze ans avant les premiers signes. Durant cette « phase préclinique », deux protéines — l’amyloïde et la tau — s’accumulent dans le cerveau, déclenchant une cascade de lésions irréversibles. Comprendre comment ralentir cette évolution silencieuse est devenu un enjeu mondial.
Les chercheurs de la Harvard Aging Brain Study ont suivi 296 adultes en bonne santé cognitive, équipés de podomètres enregistrant leur activité quotidienne. Parallèlement, des examens d’imagerie cérébrale ont permis de mesurer la quantité d’amyloïde et de tau, marqueurs biologiques précoces d’Alzheimer.
Les résultats sont nuancés, mais porteurs d’espoir. Aucune corrélation claire n’a été observée entre le nombre de pas et la charge en amyloïde. En revanche, chez les personnes les plus actives, la progression de la tau — la protéine associée au déclin cognitif — était nettement ralentie. Et cet effet protecteur se traduisait, au fil des années, par un maintien plus stable des fonctions de mémoire et de raisonnement.
L’un des enseignements les plus concrets de l’étude est qu’il n’est pas nécessaire de viser les fameux « 10 000 pas par jour ». Les chercheurs ont identifié une zone optimale entre 5 000 et 7 500 pas quotidiens : c’est dans cette tranche que le bénéfice cérébral est le plus marqué. En dessous de 3 000 pas, en revanche, le risque de déclin cognitif s’accroît nettement, surtout chez les personnes présentant déjà une forte charge amyloïde.
Autrement dit : mieux vaut bouger un peu chaque jour que de rester immobile trop longtemps.
Ce qui frappe dans ces résultats, c’est le rôle spécifique de la tau. L’activité physique ne semble pas bloquer la formation des plaques amyloïdes, mais elle pourrait freiner la propagation des lésions tau, autrement dit : ralentir la réaction en chaîne menant à la dégénérescence neuronale.
Cette distinction ouvre de nouvelles perspectives pour la recherche : les futurs traitements pourraient associer thérapies médicamenteuses ciblant l’amyloïde et interventions comportementales (activité, nutrition, sommeil) visant la tau.
Les auteurs restent prudents : l’étude est observationnelle, donc elle ne prouve pas une relation de cause à effet. De plus, l’échantillon est homogène (participants majoritairement blancs et en bonne santé), et l’activité a été mesurée sur une période limitée. Mais la cohérence des résultats avec d’autres travaux renforce leur crédibilité.
Pour le grand public, le message est simple : marcher, c’est déjà agir pour son cerveau. L’activité physique ne guérit pas Alzheimer, mais elle pourrait en retarder l’apparition — un gain de temps précieux, dans une maladie qui évolue lentement mais inexorablement.
Nouhad Ourebzani