À chaque hiver, dans les salles d’attente des pédiatres algériens, un même scénario se répète : l’otite moyenne aiguë s’impose comme l’une des infections les plus fréquentes de la petite enfance. Pleurs nocturnes, fièvre persistante, irritabilité, difficultés d’alimentation… Chez les nourrissons et les enfants de moins de cinq ans, elle demeure l’une des premières causes de consultation, un phénomène observé dans la majorité des pays, et auquel l’Algérie n’échappe pas.
Pourquoi l’hiver est-il propice aux otites ?
L’otite moyenne découle souvent d’un simple rhume. Une infection respiratoire banale congestionne le nez et bloque la trompe d’Eustache, ce canal qui relie l’oreille à la gorge et permet son aération. Lorsque celle-ci se bouche, microbes et sécrétions trouvent un terrain propice pour envahir l’oreille moyenne.
L’hiver, la circulation des virus respiratoires s’intensifie : rhumes, grippes et bronchiolites se multiplient et augmentent mécaniquement les risques d’otite. Les enfants en bas âge, dont le système immunitaire est encore en développement, sont les premiers touchés. La fréquentation des crèches, l’exposition domestique à la fumée de tabac, l’usage prolongé de la tétine ou la naissance prématurée figurent parmi les facteurs de risque reconnus.
Des gestes préventifs connus… mais insuffisamment appliqués
Si l’otite reste aussi fréquente, ce n’est pas faute de connaître les mesures préventives efficaces. Les vaccins antipneumococciques et le vaccin antigrippal réduisent nettement les infections qui conduisent à l’otite moyenne. L’allaitement maternel joue un rôle protecteur en diminuant les infections respiratoires précoces. À l’inverse, la fumée de tabac à la maison, encore trop présente dans de nombreuses familles, augmente fortement le risque.
L’hygiène respiratoire, souvent évoquée mais rarement systématisée, peut aussi faire la différence : lavage des mains, aération quotidienne des pièces, éviction temporaire des enfants présentant des symptômes respiratoires en milieu de garde. Enfin, les crèches pourraient jouer un rôle plus actif en renforçant le nettoyage des surfaces, en limitant la promiscuité et en adaptant l’accueil des enfants malades en période hivernale.
Quand faut-il consulter ?
Une douleur d’oreille vive, accompagnée de fièvre, d’un écoulement auriculaire ou d’une irritabilité marquée, doit motiver une consultation médicale rapide, surtout chez les nourrissons. Le traitement repose d’abord sur le soulagement de la douleur, et l’antibiotique n’est prescrit qu’en fonction de l’âge, de la gravité et de l’examen de l’oreille. Un suivi est indispensable pour repérer les otites récidivantes et prévenir les complications, notamment le risque d’altération de l’audition lorsque les épisodes se répètent.
Un enjeu public majeur, encore sous-estimé
L’otite moyenne aiguë n’est pas un simple passage obligé de l’hiver. C’est un problème de santé publique dont les conséquences, notamment sociales et scolaires, restent sous-évaluées. L’absence d’un dispositif national de suivi limite la capacité à anticiper les pics hivernaux et à orienter les campagnes d’information.
Pourtant, les leviers d’action existent : vacciner, réduire l’exposition à la fumée, améliorer les pratiques dans les crèches, renforcer l’éducation sanitaire des familles. L’Algérie gagnerait à inscrire l’otite moyenne dans une stratégie hivernale plus large, visant toutes les infections respiratoires de l’enfant. Une prévention rigoureuse n’éliminerait pas totalement ces infections saisonnières, mais elle en réduirait nettement la fréquence — et l’inconfort qu’elles imposent chaque année aux plus jeunes.
Nora S.
