Une équipe internationale de chercheurs vient de franchir une étape majeure dans la compréhension – et peut-être demain dans le traitement – des troubles de la mémoire. Dans une étude publiée dans Nature Neuroscience, des scientifiques du NeuroCentre Magendie (Inserm, Université de Bordeaux) et de l’Université de Moncton démontrent qu’il est possible de restaurer des fonctions cognitives altérées en réactivant les mitochondries, ces “batteries” microscopiques qui alimentent nos cellules en énergie.
Depuis des années, les chercheurs suspectaient qu’un déficit mitochondrial jouait un rôle dans les maladies neurodégénératives. Mais jamais le lien de cause à effet n’avait été démontré avec une telle précision. Pour y parvenir, l’équipe a mis au point un outil génétique inédit, le mitoDREADD-Gₛ, capable de stimuler directement l’activité des mitochondries dans certaines cellules cérébrales. Une simple molécule expérimentale active ce système, augmente la production d’énergie et modifie le fonctionnement neuronal.
Les résultats obtenus chez la souris sont spectaculaires. Qu’il s’agisse de modèles animaux présentant des troubles de mémoire liés à des expositions cannabinoïdes ou de souris reproduisant des mécanismes proches de certaines démences, l’activation ciblée des mitochondries permet de récupérer des performances cognitives quasi normales. Autrement dit : lorsque les mitochondries sont relancées, la mémoire revient.
Pour les auteurs, cette démonstration change la donne. Les dysfonctionnements mitochondriaux n’apparaissent plus comme une simple conséquence des maladies neurodégénératives, mais comme l’un de leurs moteurs. « C’est un lien causal que l’on cherchait depuis longtemps », résume Giovanni Marsicano, l’un des chercheurs principaux. Son collègue Étienne Hébert-Chatelain va plus loin : cette approche pourrait ouvrir la voie à de nouvelles cibles thérapeutiques, capables un jour d’inverser des symptômes que l’on pensait irréversibles.
Ces résultats, encore limités à des modèles animaux, ne déboucheront pas immédiatement sur un traitement pour l’humain. Mais ils offrent une piste scientifique solide dans un domaine où les avancées sont rares et les besoins immenses. En révélant le rôle central des mitochondries dans la mémoire, l’étude ne propose pas seulement un mécanisme : elle redonne surtout une perspective, celle de pouvoir un jour réactiver ce qui s’éteint dans les maladies neurodégénératives.
Nouhad Ourebzani
