Une découverte scientifique publiée dans Molecular Psychiatry pourrait bien changer la manière dont la psychiatrie comprend — et traite — certains troubles mentaux sévères. Pour la première fois, des chercheurs identifient une mutation génétique unique, sur le gène GRIN2A, capable d’entraîner à elle seule un risque très élevé de schizophrénie d’apparition précoce et d’autres troubles psychiatriques sérieux.
Depuis des décennies, on pensait que ces maladies étaient le résultat d’une multitude de facteurs biologiques et environnementaux. Mais cette étude internationale, menée auprès de 235 personnes porteuses d’altérations du gène GRIN2A, remet ce paradigme en question : dans un sous-groupe précis, une seule mutation suffit à faire basculer la vulnérabilité mentale.
Les résultats sont frappants. Sur les 121 participants étudiés en détail, 84 présentaient ce que les scientifiques appellent des « null variants », c’est-à-dire des mutations qui neutralisent complètement la fonction du gène. Parmi eux, une large majorité a développé un trouble psychiatrique — psychose précoce, troubles anxieux sévères, troubles de l’humeur ou schizophrénie débutant dès l’enfance ou l’adolescence. À l’inverse, ces troubles étaient quasiment absents chez les porteurs d’autres types de mutations plus légères. Autrement dit, le hasard n’y est pour rien : l’effet génétique est massif.
Plus surprenant encore : certains patients ne présentaient aucun des symptômes neurologiques habituellement associés à GRIN2A, comme l’épilepsie ou le retard de développement. Pour eux, l’expression clinique était exclusivement psychiatrique. Une première qui oblige les spécialistes à repenser les frontières entre neurologie et santé mentale.
Au-delà du diagnostic, l’étude ouvre la voie à des pistes thérapeutiques nouvelles. Les chercheurs évoquent notamment l’usage de L-sérine, un acide aminé capable de moduler le fonctionnement du récepteur NMDA — la cible moléculaire perturbée par les mutations GRIN2A. Dans quelques cas rapportés, le traitement a amélioré les symptômes psychiatriques ou réduit les crises d’épilepsie. Ce n’est qu’un signal préliminaire, mais il nourrit l’idée émergente d’une psychiatrie de précision, où les traitements seraient adaptés à la signature génétique de chaque patient.
Si la découverte ne concerne qu’un nombre limité de personnes, son impact théorique est immense. Elle démontre qu’un trouble mental grave peut, dans certains cas, être monogénique, c’est-à-dire provoqué par un seul gène défaillant — une idée longtemps jugée improbable pour des maladies comme la schizophrénie.
Pour les médecins, l’enjeu sera désormais d’intégrer cette dimension génétique dans les diagnostics, en particulier chez les enfants et adolescents présentant des symptômes psychiatriques inexpliqués. Pour les familles, c’est un nouvel espoir : celui de comprendre l’origine du trouble et, peut-être demain, de bénéficier de traitements ciblés.
Nouhad Ourebzani
