Et si la santé n’était pas un état à atteindre, mais un rythme à respecter ? Un mouvement, une respiration, une variation. Dans nos sociétés modernes, tout semble vouloir figer le corps dans une norme permanente : productivité constante, veille continue, lumière artificielle, température réglée, humeurs stables. Mais le vivant, lui, fluctue, s’adapte, se transforme au fil des saisons. Et c’est peut-être là que réside sa véritable force.
Les médecines traditionnelles l’ont toujours su : l’été n’est pas l’hiver, la fatigue n’est pas la maladie, le ralentissement n’est pas une défaillance. Ce que la nature exprime dans ses cycles, le corps l’imite dans son silence : montée de l’énergie au printemps, expansion en été, recentrage en automne, repli en hiver. Observer les saisons, c’est redécouvrir une écologie intérieure.
La recherche contemporaine redonne une voix à cette sagesse. Des études montrent que notre rythme circadien (veille-sommeil) n’est qu’un des nombreux cycles internes influencés par la lumière, la température, la durée du jour. Notre système immunitaire, notre humeur, nos hormones, notre microbiote changent subtilement avec les saisons. Ignorer ces variations, c’est imposer au corps un effort d’adaptation permanent, souvent épuisant.
La santé durable ne consiste donc pas à tout contrôler, mais à s’accorder au monde, à se synchroniser avec lui. Reprendre le temps d’écouter les signaux internes, de ralentir, d’alterner, de se laisser transformer. Passer plus de temps dehors, s’exposer à la lumière naturelle, dormir plus longtemps en hiver, manger en fonction des cycles agricoles — autant de gestes simples qui réinscrivent le corps dans un temps biologique plutôt qu’industriel.
En Algérie, ce lien ancien avec la nature saisonnière persiste, mais s’effrite. La climatisation remplace l’ombre, les écrans effacent le ciel, les rythmes urbains lissent les différences. Pourtant, notre climat, notre terre, notre culture regorgent de pratiques naturelles et saisonnières : siestes estivales, infusions hivernales, jeûnes printaniers, récoltes automnales. Autant d’intelligences du corps que la modernité a reléguées au second plan.
Réconcilier santé et saison, médecine et nature, soin et temporalité — c’est peut-être le défi de demain. Sortir d’une vision mécanique du soin, pour retrouver un art de vivre rythmé, incarné, vivant.
Ce n’est pas être fragile que de suivre les saisons.
C’est, au contraire, une preuve de force intérieure.
Parce que vivre selon son climat intérieur, c’est déjà se soigner.
Ouiza Lataman
