Et si les additifs alimentaires consommés pendant la grossesse laissaient une empreinte invisible mais durable sur la santé des enfants ? Une étude récemment publiée dans Nature Communications révèle qu’un régime riche en émulsifiants – ces substances utilisées massivement dans les aliments ultra-transformés – perturbe profondément le microbiote intestinal du nouveau-né et altère des cellules clés du système digestif, compromettant sa santé bien au-delà de l’enfance.
Les chercheurs ont observé chez la souris que l’exposition prénatale à deux émulsifiants très répandus, la carboxyméthylcellulose et le polysorbate 80, modifie dès les premiers jours de vie la flore intestinale des petits. Ce dérèglement s’accompagne d’un affaiblissement des cellules caliciformes, essentielles à la production du mucus intestinal, première barrière de défense contre l’inflammation. Résultat : une plus grande vulnérabilité aux maladies chroniques, même à l’âge adulte, bien après que l’exposition ait cessé.
L’étude suggère qu’une mémoire biologique s’installe dès la vie fœtale, façonnant la réponse immunitaire et métabolique pour les décennies à venir. « Ce que mange une mère ne la concerne pas uniquement. Cela peut prédisposer son enfant à des pathologies qu’on croit souvent d’origine purement génétique ou environnementale », avertit le professeur Andrew Gewirtz, co-auteur des travaux.
Si les conclusions reposent sur des modèles animaux, elles soulèvent de sérieuses interrogations sur les effets à long terme des aliments industriels sur le développement de l’enfant. À l’heure où les aliments transformés représentent une part croissante de l’assiette quotidienne, y compris pendant la grossesse, les chercheurs appellent à une révision des recommandations nutritionnelles et des normes d’innocuité des additifs.
En attendant des recherches plus poussées chez l’humain, un principe de précaution s’impose : privilégier une alimentation naturelle, riche en fibres, et aussi peu transformée que possible pendant la grossesse. Ce que l’on croit anodin dans une étiquette peut, en réalité, écrire les premières pages d’une vie.
Ouiza Lataman
