Comprendre et prévenir la BPCO: L’alerte du Pr Rachida Khellafi

A l’occasion de la Journée mondiale de la BPCO et en marge du programme scientifique mis en place par les Laboratoire Abdi Ibrahim Remède Pharma, pour sensibiliser autour de cette maladie chronique, Esseha s’est entretenu avec le Pr Rachida Khellafi, chef de service de pneumo-phtisiologie au CHU de Beni-Messous. La spécialiste dresse un état des lieux de cette pathologie, encore trop souvent méconnue ou sous-estimée.
Le Pr Khellafi rappelle que la BPCO est « une maladie chronique qui touche les voies aériennes, donc les bronches et les poumons, et ça va entraîner une obstruction permanente de ces bronches ». Elle insiste sur la nécessité de pas la confondre avec l’asthme : « L’asthme est une maladie réversible qui ne pose pas de problème dans la progression, alors que la BPCO est une maladie progressive. Donc lorsque nous avons une obstruction, elle évolue dans le temps et peut passer à l’insuffisance respiratoire chronique si on ne la prend pas en charge sérieusement ».
Cette pathologie concerne principalement l’adulte et devient particulièrement fréquente après 40 ans, même si des cas plus jeunes existent. En Algérie, les hommes sont davantage touché, le principal facteur de risque étant le tabagisme –actif ou passif. D’autres éléments peuvent intervenir : la pollution atmosphérique, l’exposition professionnelle notamment dans le bâtiment ou l’agriculture. Le Pr Khellafi rappelle également que la BPCO peut apparaître chez certaines femmes d’un certain âge, « ayant été exposée à une certaine époque à la biomasse », une situation désormais plus rare grâce à la généralisation des énergies fossiles.
La sous-estimation des symptômes constitue un problème majeur. « Les fumeurs et les tabagiques touchent et crachent, et ils trouvent cela normal du fait de leur addiction à la cigarette. Donc, ils ne consultent pas ». Les premiers signes se confondent avec les effets supposés de l’âge : essoufflement, gêne à l’effort. Beaucoup de patients ne se présentent à la consultation que lorsque la gêne devient importante ou lors d’une exacerbation : « Ils viennent dans le cadre de l’urgence, ils toussent et sifflent, c’est à ce moment-là qu’on fait le diagnostic de la BPCO ». La maladie se banalise jusqu’à évoluer vers des formes sévères ou une insuffisance respiratoire chronique lorsqu’elle n’est pas prise à temps.
Le diagnostic repose sur une vigilance accrue de la part des soignants. Le Pr Khellafi insiste : « les médecins doivent y penser devant un fumeur, un ex fumeur et toutes les personnes exposées aux facteurs qu’on a évoqué ». Lorsqu’un patient tabagique consulte pour une bronchite aiguë et qu’il est tabagique, il faut lui poser la question : « Est-ce qu’il est dyspnéique ? Est-ce qu’il est gêné à l’effort ? » L’examen clé est spirométrie, indispensable pour repérer un trouble ventilatoire obstructif. La particularité de cette obstruction est « elle n’est pas réversible sous bronchodilatateur ». D’où l’importance de la formation continue pour permettre aux médecins et pharmaciens de mieux repérer ces signes discrets et favoriser un diagnostic précoce.
En matière de traitement, l’Algérie dispose d’un éventail thérapeutique satisfaisant. « Le traitement de base de cette maladie c’est les bronchodilatateurs », explique la spécialiste. Ils sont inhalés, disponibles en Algérie et bien tolérés. Les corticoïdes inhalés peuvent aussi être prescrits dans certains cas, et des associations fixes existent aussi. Tous ces médicaments sont remboursés, permettant de « ralentir l’évolution de la maladie ». Une éducation thérapeutique est cependant indispensable afin que les patients maîtrisent correctement l’usage de leurs inhalateurs.
La prise en charge ne s’arrête pas aux médicaments. L’activité physique joue un rôle déterminant dans le ralentissement de la progression. La vaccination contre la grippe et le pneumocoque est également recommandée, ces patients étant particulièrement vulnérables aux infections. Au stade de l’insuffisance respiratoire chronique, une oxygénothérapie peut améliorer la qualité de vie.
Pour conclure, le message du Pr Khellafi est clair : « Il faut prévenir cette maladie pour améliorer les symptômes, diminuer les exacerbations, améliorer la qualité de vie et ralentir la progression. Il faut lutter contre le tabagisme actif et passif, surtout chez les sujets jeunes, lutter contre la pollution professionnelle en mettant à disposition des travailleurs des moyens de protection et il faut lutter contre la pollution atmosphérique ». Elle rappelle enfin l’importance de l’activité physique, « très importante sur le plan respiratoire » et du rôle des médecins qui « doivent penser à cette maladie et la diagnostiquer. »
Hassina Amrouni

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