Une équipe de chercheurs chinois vient de montrer qu’un excès d’amorti dans les chaussures de sport pourrait augmenter le risque de douleurs au genou. Publiée en octobre 2025 dans la revue iScience (Cell Press), leur étude, menée par le Dr Yufeng Zhuang de l’Université de Shanghai, remet en question un principe largement admis : plus une chaussure est confortable, mieux elle protège les articulations.
Pour parvenir à cette conclusion, les scientifiques ont utilisé un modèle biomécanique numérique sophistiqué, capable de reproduire avec précision le comportement du genou lors de la course. En variant le degré d’amorti entre la semelle et le pied — ce que les spécialistes appellent le cushioning space —, ils ont observé que les semelles trop souples augmentaient la pression entre la rotule et le fémur. Cette surpression, répétée à chaque foulée, favorise l’apparition de microtraumatismes et de douleurs chroniques, caractéristiques du syndrome fémoro-patellaire.
Autrement dit, un amorti excessif ne stabilise pas le mouvement du coureur : il le perturbe. Le pied s’enfonce davantage, le genou corrige, la rotule se déplace légèrement de son axe, et cette série de compensations finit par déséquilibrer l’articulation. Les chercheurs ont constaté qu’un amorti modéré — ni trop rigide, ni trop moelleux — permettait au contraire de mieux répartir les forces, réduisant ainsi les contraintes sur le cartilage.
Ces résultats pourraient bien influencer la conception future des chaussures de sport. Depuis des années, les fabricants rivalisent d’innovations pour offrir toujours plus de confort, de mousse et de souplesse. Mais selon le Dr Zhuang, cette course à l’amorti pourrait avoir ses limites : « L’idée que plus de coussinage signifie plus de protection est un mythe. Nos modèles montrent qu’un excès d’espace entre le pied et la semelle déséquilibre tout le système biomécanique du membre inférieur. »
Au-delà du simple confort, cette étude invite à repenser la relation entre le corps et la chaussure. Plutôt que de rechercher la sensation de légèreté absolue, les experts recommandent de choisir des semelles adaptées à sa morphologie, à son poids et à son style de course. La science du mouvement entre dans une ère nouvelle, où chaque détail compte. Et pour préserver ses genoux, il vaut parfois mieux courir sur un sol ferme que sur un nuage.
Nouhad Ourebzani
