Le Sahara, symbole absolu de l’aridité, pourrait connaître au cours des prochaines décennies un bouleversement climatique majeur. Selon une étude internationale publiée dans npj Climate and Atmospheric Science, les précipitations pourraient y augmenter jusqu’à 75 % d’ici la fin du siècle, un scénario inédit qui remettrait en question la stabilité écologique et humaine de la plus vaste zone désertique du monde.
Les chercheurs ont analysé quarante modèles climatiques pour simuler l’évolution des pluies en Afrique selon différents niveaux d’émissions de gaz à effet de serre. Le constat est sans équivoque : si les températures mondiales continuent de grimper au rythme actuel, une grande partie du nord du continent pourrait recevoir beaucoup plus de pluie qu’aujourd’hui. Dans le scénario le plus extrême, cette augmentation dépasserait de loin celle observée dans toutes les autres régions africaines.
Ce phénomène s’expliquerait principalement par une hausse de l’humidité atmosphérique et par une intensification des circulations tropicales qui transportent la vapeur d’eau vers le Sahara. En clair, l’air chaud contiendrait plus de vapeur, favorisant la formation de nuages et d’épisodes pluvieux plus fréquents. Pour les chercheurs, cela ne signifie pas la fin du désert, mais plutôt une transformation progressive de certains paysages, avec un risque accru d’inondations dans des zones aujourd’hui totalement arides.
Toutefois, les scientifiques appellent à la prudence : cette projection reste entachée d’une grande incertitude. Les modèles climatiques ne s’accordent pas tous sur l’ampleur du phénomène, et les différences internes entre modèles expliquent jusqu’à 85 % de la variabilité des résultats. Ce manque de précision s’explique par la complexité des processus physiques en jeu : convection, microphysique des nuages, ou encore influence des vents subtropicaux.
Si cette tendance venait à se confirmer, ses conséquences seraient considérables. Des zones aujourd’hui inhabitables pourraient redevenir exploitables, tandis que les équilibres naturels du Sahel et de l’Afrique du Nord pourraient être profondément modifiés. La végétation pourrait se régénérer dans certaines régions, transformant l’économie pastorale et agricole. À l’inverse, les régions situées plus au sud du continent, notamment l’Afrique australe, risqueraient de subir une baisse des précipitations, accentuant les tensions hydriques et les risques de sécheresse.
Pour les auteurs, ces projections ne doivent pas être interprétées comme une promesse de renaissance, mais comme un avertissement : l’Afrique entre dans une ère climatique instable, où les extrêmes – sécheresse et excès d’eau – coexisteront. Dans ce contexte, les politiques d’adaptation devront être locales, flexibles et basées sur la science.
Le Sahara ne redeviendra sans doute pas le « jardin vert » qu’il fut il y a dix mille ans, mais le signal est fort : le désert, longtemps symbole d’immobilité, pourrait bien devenir le théâtre des plus grands bouleversements climatiques du siècle.
Ouiza Lataman
