Maladies auto-immunes : des chercheurs algériens explorent une alternative au test classique ANA

Depuis plus d’un demi-siècle, l’immunofluorescence indirecte sur cellules HEp-2 constitue le test de référence pour détecter les anticorps antinucléaires, ces marqueurs essentiels des maladies auto-immunes du tissu conjonctif, comme le lupus, la sclérodermie ou le syndrome de Sjögren. Mais cette méthode, exigeante et parfois subjective, montre ses limites à l’heure des diagnostics rapides et standardisés. C’est ce constat qui a conduit une équipe de chercheurs algériens à interroger l’avenir de cette technique emblématique.

Publiée le 3 novembre 2025 dans la revue Frontiers in Immunology, l’étude intitulée Is there an alternative to the indirect immunofluorescence ANA HEp-2 assay for the diagnosis of connective tissue diseases? est signée par Tamazouzt Hadjout, Lydia Lamara Mahammed, Meriem Saad, Amel Zemmour, Nadia Tamechmacht, Ghalya Bousbia, Halima Ismail, Nawel Dahmani, Ines Allam et Reda Djidjik. Tous exercent au Centre hospitalier universitaire de Beni Messous et à la Faculté de pharmacie de l’Université des Sciences de la Santé d’Alger. Leur objectif : évaluer si des tests automatisés récents pouvaient rivaliser avec la méthode traditionnelle.

Pour cela, 271 échantillons de sérum ont été analysés entre novembre 2023 et avril 2024. Parmi eux, 94 provenaient de patients atteints de maladies auto-immunes confirmées, 144 de sujets sains ou présentant d’autres pathologies, et 33 de cas indéterminés. Chaque échantillon a été soumis à la méthode classique IIF HEp-2, puis à trois systèmes automatisés de nouvelle génération : MAGLUMI X3, iFlash 1800 et UNI, basés sur des technologies de chimioluminescence et d’immuno-essai.

Les résultats révèlent un paysage contrasté. Le test MAGLUMI s’est distingué par sa sensibilité (95,7 %), tandis que l’iFlash offrait la meilleure spécificité (94,4 %). Cependant, la corrélation entre ces méthodes et la référence IIF demeure modérée, signe qu’aucune ne parvient encore à reproduire totalement la richesse d’informations fournie par l’immunofluorescence. Les chercheurs concluent que ces nouveaux outils ne doivent pas remplacer le test HEp-2, mais le compléter, notamment pour accélérer le dépistage ou confirmer des résultats douteux.

Au-delà des chiffres, l’étude met en lumière un enjeu plus large : celui de la transition entre la précision artisanale de la microscopie et la promesse d’une immunologie automatisée. L’IIF, si elle exige un œil expert et du temps, offre une lecture fine des motifs fluorescents, révélateurs de nombreux sous-types d’anticorps. Les nouvelles méthodes, elles, garantissent rapidité et reproductibilité, mais au prix d’une perte de nuance.

Les auteurs restent prudents : leur travail, de nature observationnelle, appelle à des validations sur des cohortes plus vastes et plus diversifiées. Mais leur message est clair : la technologie seule ne suffit pas, la rigueur clinique demeure indispensable.

Cette publication marque également une avancée symbolique pour la recherche médicale algérienne, qui s’inscrit dans les débats internationaux sur la modernisation des outils diagnostiques. Comme le souligne l’équipe du Pr Reda Djidjik, « les tests automatisés représentent une avancée indéniable, mais ils ne peuvent pas encore se substituer à la richesse d’interprétation offerte par l’immunofluorescence ».

Dans un monde médical en quête d’efficacité, cette étude rappelle qu’en immunologie, la vitesse ne remplace pas la précision. Et que parfois, la modernité la plus éclairée consiste à savoir combiner les deux.

Nouhad Ourebzani

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