Neurodégénérescence : le gène APOE ε4 révèle une signature inflammatoire silencieuse et commune à plusieurs maladies

Une avancée scientifique d’envergure vient bouleverser la compréhension des maladies neurodégénératives. Publiée le 15 juillet 2025 dans la revue Nature Medicine, une vaste étude internationale révèle que le variant génétique APOE ε4, connu pour augmenter le risque de maladie d’Alzheimer, induit des altérations immunitaires communes à plusieurs pathologies neurodégénératives, et ce, bien avant l’apparition des premiers symptômes.

Mené par le Global Neurodegeneration Proteomics Consortium (GNPC), ce travail titanesque a analysé plus de 35 000 échantillons issus du plasma, du liquide céphalo-rachidien et du cortex cérébral post-mortem de patients atteints d’Alzheimer, de Parkinson, de sclérose latérale amyotrophique, de démence frontotemporale ou à corps de Lewy. Les résultats sont saisissants : les porteurs du gène APOE ε4 partagent une même signature protéomique, marquée par une activation chronique de l’immunité innée et adaptative – monocytes, lymphocytes T et cellules NK en tête.

Cette empreinte inflammatoire ne dépend pas des lésions caractéristiques des maladies étudiées (plaques amyloïdes, enchevêtrements de protéines tau ou dépôts d’alpha-synucléine). Elle précède, persiste et transcende les frontières pathologiques. Le message est clair : APOE ε4 n’est pas seulement un facteur de risque Alzheimer, c’est une clef biologique d’une vulnérabilité immunitaire plus large, qui pourrait expliquer la susceptibilité à divers processus neurodégénératifs.

Plus encore, cette inflammation systémique peut être détectée dans le sang, offrant la perspective révolutionnaire d’un diagnostic préclinique accessible, simple, et potentiellement transformateur. Loin d’une simple association génétique, le variant ε4 devient ici le levier d’un futur thérapeutique : dépister plus tôt, intervenir plus vite, cibler l’immunité avant que les dommages irréversibles ne s’installent.

L’ampleur de l’étude – 250 millions de mesures protéomiques, alimentées par une dizaine de cohortes internationales – témoigne du tournant que prend la recherche : vers des modèles plus intégrés, transversaux, capables de mettre en lumière les mécanismes communs aux grandes pathologies du vieillissement cérébral. En misant sur la biologie de l’inflammation, les scientifiques pourraient bientôt ouvrir une nouvelle ère de médecine préventive des démences.

APOE ε4, longtemps réduit à un marqueur de risque génétique, s’impose désormais comme un signal d’alarme moléculaire global. Une alerte silencieuse, mais lisible. Une voie nouvelle, où l’immunité devient la clé pour comprendre, diagnostiquer, et peut-être prévenir les grandes maladies neurodégénératives de notre temps.

Nouhad Ourebzani

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