Les accidents de la route ne surviennent pas toujours de façon régulière, espacés par des intervalles prévisibles. Une étude récente publiée dans la revue Accident Analysis & Prevention démontre que ces drames se produisent souvent par vagues, séparées de longues périodes calmes. Cette irrégularité, que les chercheurs qualifient d’« hétérogénéité temporelle », remet en cause la manière dont les politiques de sécurité routière sont pensées et déployées.
En Algérie, où la route demeure l’une des premières causes de mortalité, cette lecture trouve une résonance particulière. Les bilans officiels de 2024 font état de plus de 26 000 accidents, causant près de 3 800 morts et plus de 35 000 blessés. Ce chiffre dramatique s’ajoute aux hausses successives observées ces dernières années, notamment durant les périodes estivales où le trafic explose et les séries d’accidents se multiplient.
Le constat des chercheurs est sans appel : lorsqu’on raisonne sur la base de moyennes mensuelles ou annuelles, on ignore la réalité mouvante du risque. Un mois « calme » peut être suivi, en quelques jours, d’une succession dramatique d’accidents mortels. Cela signifie que les campagnes de sensibilisation ou le déploiement de moyens de contrôle planifiés à l’avance risquent de manquer les moments où le danger est le plus élevé.
Derrière les statistiques se cache une vérité simple : la route n’obéit pas à un calendrier figé. Elle connaît des phases d’accalmie trompeuse et des pics brutaux de danger. Pour y faire face, la prévention doit devenir réactive, flexible, capable de s’adapter en temps réel aux signaux d’alerte. Surveiller les données en continu, cibler les périodes critiques, renforcer la formation des jeunes conducteurs et intégrer la vigilance face à la conduite à risque deviennent des impératifs.
Au-delà des chiffres, l’étude rappelle une évidence douloureuse : chaque accident n’est pas qu’un point sur une courbe, mais une vie brisée, une famille endeuillée. Comprendre que ces drames arrivent en vagues, et non de manière régulière, impose de repenser notre rapport à la sécurité routière. En Algérie plus qu’ailleurs, il ne suffit plus de compter les morts ; il faut apprendre à anticiper les moments où la route se transforme en piège, pour que la vigilance et la responsabilité sauvent enfin des vies.
Tinhinane B
