Et si, pour vaincre le cancer, il suffisait de retourner contre lui ses propres armes ? C’est l’idée explorée par une équipe américaine de l’Université de Wake Forest, dont les travaux viennent d’être publiés dans la revue Science Advances le 31 octobre 2025. Les chercheurs y décrivent une molécule capable de désactiver un système de défense essentiel à la survie des cellules cancéreuses.
Au cœur de cette découverte se trouve une enzyme appelée peroxyrédoxine 3 (PRX3). Dans les mitochondries, cette enzyme joue un rôle clé : elle neutralise le peroxyde d’hydrogène, une molécule oxydante que les cellules produisent naturellement. Or, les cellules tumorales, en raison de leur activité métabolique intense, génèrent ces composés en excès. Sans PRX3, elles seraient littéralement étouffées par leur propre stress oxydatif.
L’équipe du professeur W. Todd Lowther a cherché à exploiter cette faiblesse. En s’inspirant d’un antibiotique naturel connu pour son effet anticancéreux, le thiostrepton, les chercheurs ont isolé un fragment plus simple et plus stable, capable de cibler directement PRX3. Ce fragment agit comme une « tête chimique » réactive — un warhead covalent — qui se fixe à l’enzyme et la bloque de manière irréversible.
Résultat : la cellule cancéreuse perd sa défense antioxydante, le peroxyde d’hydrogène s’accumule dans ses mitochondries et le stress oxydatif la conduit à la mort. En laboratoire, cette approche a montré une activité anticancéreuse marquée, avec une meilleure sélectivité que le composé original.
Pour les chercheurs, l’intérêt est double : cette molécule agit de façon très ciblée sur les cellules tumorales et inaugure une nouvelle génération d’inhibiteurs dits covalents, capables de nouer des liaisons chimiques stables avec leurs cibles. Une stratégie déjà explorée dans d’autres domaines de la cancérologie, mais rarement avec un mécanisme aussi spécifique.
Bien que ces résultats soient encore précliniques, cette découverte ouvre une piste prometteuse : celle de médicaments capables de saboter les systèmes de survie internes des tumeurs plutôt que d’en bloquer la croissance. Un véritable cheval de Troie chimique, discret mais redoutable, qui pourrait un jour transformer la manière de combattre les cancers résistants.
Nouhad Ourebzani
