Une nouvelle revue systématique publiée dans Biomolecules & Biomedicine relance le débat sur le rôle possible de la vitamine D dans la santé mentale. Menée par une équipe de chercheurs roumains, elle rassemble les données les plus récentes sur la relation entre les taux sanguins de vitamine D et la dépression chez l’adulte. Et si la corrélation apparaît de plus en plus solide, les conclusions restent encore prudentes.
Les auteurs ont analysé plus de 8 000 publications issues des principales bases de données médicales avant de retenir 66 études jugées suffisamment rigoureuses. Ce travail massif, conforme aux standards internationaux PRISMA et enregistré dans la base PROSPERO, permet de dresser un tableau d’ensemble plus fiable que les travaux isolés publiés ces dernières années.
Les résultats convergent : la majorité des études montrent qu’un taux faible de vitamine D est associé à une intensité accrue des symptômes dépressifs. Certaines études longitudinales suggèrent même qu’une carence pourrait précéder l’apparition d’un épisode dépressif. Rien ne permet cependant d’affirmer qu’une supplémentation suffirait à prévenir la maladie ou à réduire durablement ses manifestations. La fameuse question de la causalité — la vitamine D influence-t-elle l’humeur, ou la dépression réduit-elle l’exposition au soleil et les habitudes qui favorisent son maintien ? — reste entière.
Sur le plan biologique, plusieurs éléments rendent l’hypothèse plausible. La vitamine D intervient dans des processus cérébraux essentiels, notamment la régulation de l’inflammation, la plasticité neuronale et la réponse au stress. Ces mécanismes pourraient expliquer pourquoi une carence fragilise certaines personnes, sans pour autant constituer la cause unique ou principale d’un trouble aussi complexe que la dépression.
L’étude pointe aussi les limites des recherches existantes : méthodes d’évaluation hétérogènes, seuils de carence variables, facteurs de confusion parfois mal pris en compte — exposition au soleil, alimentation, maladies associées. Cette dispersion méthodologique complique la possibilité d’établir une relation de cause à effet.
En pratique, les auteurs estiment qu’un dosage de la vitamine D peut être pertinent chez des patients à risque ou déjà suivis pour des troubles dépressifs, d’autant que la carence est fréquente et simple à corriger. Mais ils mettent en garde contre la tentation d’ériger la vitamine D en remède. Les essais cliniques menés jusqu’ici montrent des bénéfices modestes et inconstants.
Cette synthèse rappelle enfin que la dépression reste un trouble multiforme, ancré à la fois dans la biologie, l’environnement et le vécu personnel. La vitamine D pourrait n’être qu’un élément parmi d’autres, un indicateur d’équilibre général plutôt qu’un facteur déterminant. Une piste intéressante, certes, mais qui nécessite encore des études robustes avant d’être intégrée aux stratégies thérapeutiques ou de prévention.
Nouhad Ourebzani
