Lors du Congrès international de neuromyopathie et des maladies neuromusculaires, la professeure Kahina Bouslimani, spécialiste en médecine interne au CHU Mustapha, a pris la parole pour alerter sur des pathologies aussi rares que redoutables : les myosites inflammatoires auto-immunes. Derrière ces termes complexes se cache une réalité clinique difficile, marquée par la souffrance, l’errance diagnostique et parfois l’incompréhension.
Les myosites auto-immunes sont des maladies rares dans lesquelles le système immunitaire se retourne contre les muscles. Elles provoquent des douleurs profondes, une faiblesse musculaire progressive, et peuvent transformer les gestes les plus simples en épreuves quotidiennes. Se lever d’une chaise, monter les escaliers, se laver, se coiffer, s’habiller, ou même prier deviennent peu à peu impossibles. Ces pathologies surviennent généralement chez l’adulte entre 40 et 60 ans, avec une prédominance féminine, mais peuvent toucher aussi les hommes. La variabilité des symptômes d’un patient à l’autre complique encore leur reconnaissance. Chaque cas est différent, chaque tableau clinique a sa logique propre.
Cette diversité explique en partie le retard fréquent dans le diagnostic. Le patient ne sait souvent pas vers quel spécialiste se tourner : neurologue, rhumatologue, interniste ? En parallèle, certains médecins méconnaissent encore ces pathologies, ce qui ajoute à la confusion. La professeure Bouslimani évoque la nécessité d’un circuit de prise en charge clair, structuré et multidisciplinaire. Le diagnostic repose sur des analyses de sang poussées, la recherche d’anticorps spécifiques, l’imagerie, parfois la biopsie musculaire. C’est un processus délicat, minutieux, qui demande une véritable expertise.
Mais la complexité ne s’arrête pas là. Ces maladies ne se limitent pas toujours aux muscles : elles peuvent également toucher la peau, les poumons ou d’autres organes. Certaines formes se manifestent par des complications graves, comme la pneumopathie interstitielle diffuse, qui peut engager le pronostic vital. L’implication des organes extramusculaires rend la prise en charge encore plus sensible.
Une fois le diagnostic posé, un autre défi commence : le traitement. La corticothérapie reste la pierre angulaire, mais elle doit être utilisée avec rigueur. Si elle est efficace, elle s’accompagne souvent d’effets secondaires importants, qui exigent une hygiène de vie stricte : régime sans sel, sans sucre, surveillance régulière, adaptation du mode de vie. La réussite du traitement repose sur une collaboration étroite entre le médecin et le patient. L’observance thérapeutique, c’est-à-dire le respect strict des prescriptions, conditionne l’efficacité des médicaments et limite les risques. Mais comme le souligne la professeure Bouslimani, « il ne suffit pas d’écouter les recommandations, il faut les appliquer à la lettre. »
Au-delà de la technicité, c’est une éthique du soin qui se dessine. Il s’agit de redonner une place centrale au patient, de l’informer, de l’accompagner, de le responsabiliser. Dans cette relation de confiance, le rôle du médecin n’est pas seulement de prescrire, mais aussi d’expliquer, de prévenir, d’éduquer.
L’intervention de la professeure Bouslimani a permis de lever le voile sur une maladie encore trop silencieuse. Elle nous rappelle que, derrière les douleurs inexpliquées, les fatigues chroniques, ou les gestes perdus, il peut y avoir une pathologie grave, mais qu’il est possible de diagnostiquer et de traiter. À condition d’être attentif. À condition de savoir, et surtout, de ne pas ignorer.
Ouiza Lataman