Des chercheurs suisses ont franchi une étape révolutionnaire dans la rééducation motrice des patients souffrant de lésions chroniques de la moelle épinière (LME). En utilisant la stimulation cérébrale profonde (SCP), une technique qui active des neurones à l’aide d’électrodes implantées chirurgicalement dans le cerveau, ils ont réussi à améliorer la capacité de marche de deux patients. Cette avancée repose sur une découverte inattendue : la stimulation d’une région du cerveau rarement associée à la locomotion, l’hypothalamus latéral.
Les travaux, publiés récemment dans Nature Medicine, sont le fruit d’une collaboration entre le NeuroRestore Lab et l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Ces institutions, reconnues pour leurs recherches pionnières sur la restauration de la marche via des électrodes implantées dans la moelle épinière, viennent de démontrer le potentiel d’une nouvelle approche ciblant le cerveau.
Une approche innovante
L’équipe a d’abord élaboré une “carte cérébrale” de la récupération motrice en étudiant des souris blessées. En comparant les cerveaux de ces dernières à ceux de souris en bonne santé, les chercheurs ont identifié l’hypothalamus latéral comme une région clé dans la reprise de la locomotion. Cette région, traditionnellement associée à des fonctions telles que l’alimentation, la motivation ou encore l’éveil, s’est révélée cruciale dans la rééducation motrice des animaux, puis des patients.
Fort de ces résultats, le traitement a été testé chez deux patients humains souffrant de lésions incomplètes de la moelle épinière. Ces derniers ont suivi un programme de réhabilitation de trois mois, incluant neuf heures d’entraînement hebdomadaire, avec la SCP activée. Les résultats ont été immédiats et prometteurs : les patients ont retrouvé une capacité de marche sans béquilles, ont pu monter des escaliers de manière autonome et ont maintenu une amélioration même après l’arrêt de la stimulation.
Des retombées multiples pour la médecine
Ces avancées suscitent un vif intérêt dans la communauté scientifique. « C’est un tour de force », a déclaré Christopher Butson, ingénieur biomédical à l’Université de Floride. De son côté, Nestor Tomycz, neurochirurgien à Drexel University, a souligné l’impact potentiel de cette découverte dans des domaines tels que la neurochirurgie, la cartographie cérébrale ou encore la réhabilitation motrice.
L’un des aspects les plus remarquables de l’étude est l’absence d’effets secondaires, malgré le rôle étendu de l’hypothalamus latéral dans d’autres fonctions cérébrales. Selon Tomycz, cette avancée pourrait considérablement améliorer la qualité de vie des millions de personnes atteintes de lésions médullaires dans le monde. En effet, une meilleure mobilité se traduit par une plus grande autonomie, une amélioration de la santé cardiovasculaire et une prévention des troubles cognitifs tels que la démence.
Vers de nouvelles perspectives
Les chercheurs prévoient d’étendre leurs essais cliniques pour confirmer l’efficacité et la sécurité de cette technique sur un plus grand nombre de patients. Ils explorent également des thérapies hybrides combinant la SCP à d’autres techniques de neuromodulation, comme la stimulation de la moelle épinière. Ce cadre méthodologique pourrait également ouvrir la voie à l’identification d’autres régions cérébrales impliquées dans la récupération motrice ou le traitement d’autres pathologies.
Avec plus de 15 millions de personnes touchées par des lésions médullaires dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé, cette découverte pourrait marquer un tournant dans la médecine de réhabilitation, offrant un nouvel espoir à des patients jusqu’ici considérés hors de portée des traitements conventionnels.
Nouhad Ourebzani