L’anémie ferriprive pendant la grossesse demeure un enjeu majeur de santé publique, touchant des millions de femmes à travers le monde et augmentant les risques de complications tant pour la mère que pour l’enfant. Malgré les traitements existants, les stratégies actuelles ne permettent pas toujours de prévenir efficacement les effets négatifs de cette carence en fer.
Une étude clinique menée en Inde et présentée lors de la réunion annuelle de la Society for Maternal-Fetal Medicine (SMFM) pourrait bouleverser les recommandations actuelles en matière de prise en charge de l’anémie ferriprive pendant la grossesse. Ses résultats démontrent qu’une dose unique de fer administrée par voie intraveineuse dès le deuxième trimestre constitue une alternative sûre et efficace aux suppléments oraux prescrits aujourd’hui.
Avec 4 368 participantes réparties sur plusieurs sites, cette étude est l’une des plus vastes jamais menées sur l’utilisation du fer IV pendant la grossesse. L’Inde, où l’anémie maternelle est particulièrement répandue, a été choisie comme terrain d’expérimentation. Les femmes enceintes souffrant d’anémie modérée et de carence en fer avant 17 semaines de gestation ont été réparties en trois groupes : l’un recevant un traitement standard par fer oral, tandis que les deux autres ont bénéficié d’une perfusion unique de carboxymaltose ferrique (FCM) ou de dérisomaltose ferrique (FDM), deux préparations déjà approuvées en Inde.
Les résultats montrent que, bien que tous les groupes aient atteint des niveaux similaires d’hémoglobine normale à l’accouchement, ceux ayant reçu du fer IV ont eu un besoin significativement réduit de transfusions sanguines en fin de grossesse. De plus, les femmes traitées avec du FCM ont donné naissance à un nombre moins élevé de nourrissons de faible poids, comparé aux participantes ayant suivi une supplémentation orale. Cette découverte est d’autant plus importante que la majorité des études précédentes portant sur le fer IV s’intéressaient au troisième trimestre, alors que l’intervention dès le deuxième trimestre semble plus efficace pour éviter des complications.
Pour Rupsa C. Boelig, co-auteure de l’étude et professeure associée à l’Université Thomas Jefferson, cette approche pourrait avoir des répercussions bien au-delà de la grossesse. Elle rappelle que l’anémie ferriprive maternelle en début de gestation est fortement liée à des complications néonatales et à des conséquences sur le développement de l’enfant, notamment un risque accru d’autisme et de schizophrénie. L’urgence d’une intervention précoce se justifie donc par ces effets à long terme, qui dépassent largement le cadre immédiat de la grossesse.
Le Dr Mrutyunjaya B. Bellad, professeur à la KLE Academy of Higher Education and Research, salue une avancée qui pourrait transformer la prise en charge de l’anémie chez les femmes enceintes. Il souligne que l’administration de fer en perfusion unique est une solution simple et sécurisée lorsqu’elle est réalisée dans des structures médicales adaptées. L’enjeu est désormais d’intégrer ces nouvelles données dans les recommandations obstétricales internationales afin d’offrir aux femmes enceintes un traitement plus efficace et accessible.
Cette étude sera publiée prochainement dans l’American Journal of Obstetrics and Gynecology. Son impact pourrait marquer un tournant décisif dans la lutte contre l’anémie maternelle, un problème de santé publique qui touche encore des millions de femmes à travers le monde.
Nouhad Ourebzani