Et si la clé de la mémoire se trouvait dans les refrains d’une chanson d’adolescence ? C’est l’hypothèse audacieuse qu’a explorée une étude menée par l’Université Brown, à travers un projet novateur de musicothérapie destiné aux personnes atteintes de démence. Les résultats sont aussi émouvants que prometteurs : les airs entendus durant l’adolescence pourraient raviver des souvenirs profondément enfouis et stimuler les capacités cognitives.
L’étude, menée dans plusieurs établissements de soins du Rhode Island, a impliqué plus de 100 participants souffrant de formes modérées à sévères de démence. Chacun d’eux a reçu des séances de thérapie musicale personnalisée, axées sur les chansons populaires de leur adolescence – une période généralement comprise entre 13 et 19 ans, souvent décrite comme un « âge d’or émotionnel » où les souvenirs se cristallisent avec force.
« Nous avons été stupéfaits de voir des patients, pourtant repliés sur eux-mêmes ou silencieux depuis des mois, se mettre à chanter ou à sourire dès les premières notes de certaines chansons », témoigne le Dr. Kelly Irwin, neurologue et co-auteure de l’étude. « C’est comme si la musique réactivait des circuits neuronaux mis en sommeil par la maladie. »
Les résultats, publiés cette semaine, montrent que les séances musicales ont permis une amélioration notable de l’humeur, une réduction des comportements agressifs ou anxieux, et, chez certains patients, une amélioration temporaire de la communication verbale. Les chercheurs précisent toutefois que cette technique n’est pas un remède, mais un outil précieux dans l’accompagnement non médicamenteux des malades.
La force du projet réside également dans sa simplicité : grâce à la technologie, les familles ont été invitées à créer des playlists personnalisées, diffusées via de simples haut-parleurs ou casques audio. « Il ne s’agit pas de simples chansons », explique Jennifer Chan, musicothérapeute impliquée dans l’étude. « Il s’agit de fragments d’identité, de passerelles émotionnelles vers un soi oublié. »
Ce projet s’inscrit dans un mouvement plus large de la médecine intégrative, qui plaide pour une prise en charge plus humaine, sensible et adaptée aux besoins émotionnels des patients. Il rappelle aussi que, dans un monde médical de plus en plus technologique, certaines réponses se trouvent encore dans l’art, l’émotion… et la mémoire d’une chanson entendue à 17 ans.
Alors que les cas de démence sont en forte augmentation partout dans le monde ces résultats offrent un souffle d’espoir, à la fois pour les professionnels de santé et les proches des malades. Et peut-être, aussi, une nouvelle raison de ne jamais sous-estimer la puissance d’un refrain bien choisi.
Nouhad Ourebzani