Dans le cadre de la journée de formation médicale continue organisée sous le thème « Prise en charge du pied diabétique gangrené : expérience du CHU Mustapha », l’unité de chirurgie du pied diabétique du CHU Mustapha a réuni des professionnels de la santé pour partager des connaissances et expériences. À cette occasion, Esseha a recueilli les impressions de deux spécialistes.
Le Dr Bediaf, chef du service de chirurgie du pied diabétique au CHU Mustapha, a rappelé que l’unité qu’elle dirige est spécialisée dans la prise en charge des patients diabétiques au stade de complication de gangrène. Elle a précisé que depuis le début de l’année, 129 opérations chirurgicales ont été effectuées sur 102 patients. Un chiffre qui, selon elle, « dénote de la gravité du problème, qui relève de la santé publique ».
Ces complications graves surviennent généralement chez « des patients diabétiques depuis plusieurs années qui n’ont pas bénéficié d’une prise en charge initiale adéquate », a-t-elle expliqué. Elle a détaillé le processus : « Le pied diabétique commence par de petites ulcérations qui évoluent et récidivent. Si le patient n’est pas pris en charge dès le départ de façon adéquate, il complique et ça devient un pied diabétique ». Elle a également souligné que cette pathologie « engage le pronostic fonctionnel et vital », insistant sur l’importance de la prévention et de l’éducation thérapeutique pour améliorer la qualité de vie des patients.
Concernant la formation dédiée aux professionnels de la santé, le Dr Bediaf a précisé qu’elle vise à « sensibiliser la population et les cadres professionnels de santé pour une meilleure prise en charge du pied diabétique ». Elle a décrit le travail de l’équipe pluridisciplinaire, composée de médecins généralistes, orthopédistes, internistes, réanimateurs et paramédicaux, réunis autour d’un objectif commun : « la meilleure prise en charge du pied diabétique ».
De son côté, le Pr Samir Aouiche, endocrinologue au service de diabétologie du CHU Mustapha, est intervenu sur les facteurs de risque du pied diabétique. Il a souligné que cette complication constitue « un problème de santé publique puisqu’environ 15 à 25 % des patients diabétiques développent un ulcère, et malheureusement, chaque 30 secondes, un patient est amputé dans le monde ».
Il a mis en avant l’importance pour les médecins de rechercher les facteurs de risque connus : « la neuropathie, c’est-à-dire l’insensibilité du pied, l’artériopathie liée à l’athérosclérose qui bouche les artères, et les déformations des pieds ». Ces facteurs, souvent négligés en pratique clinique, peuvent être détectés grâce à un examen simple.
Le Pr Aouiche a également évoqué d’autres facteurs aggravants : « la durée du diabète (plus de 10 ans), le déséquilibre glycémique (hémoglobine glyquée supérieure à 8,5), et l’isolement social. Les hommes, en raison de comportements spécifiques comme le tabagisme ou un moindre intérêt pour l’esthétique des pieds, ont quatre fois plus de risques que les femmes de développer un pied diabétique ». Enfin, il a évoqué la fragilité vasculaire propre à certains patients (microangiopathie).
Concernant les ulcères du pied diabétique chez les enfants, le Pr Aouiche a précisé que ce problème est « exceptionnel ». En effet, « l’enfant n’a pas le temps de développer ces complications, sachant que pour développer un ulcère du pied, il faut avoir au moins deux facteurs de risque ». Il a ajouté que les ulcères chez les enfants sont principalement « des ulcères traumatiques qui découlent d’un conflit avec la chaussure ou bien qui sont dus à des traumatismes. Donc l’enfant n’est pas réellement exposé au problème du pied diabétique ».
Hassina Amrouni