Dans le cadre de l’initiative Octobre Rose, dédiée à la sensibilisation et à la lutte contre le cancer du sein, nous nous sommes entretenus avec le professeur Hamida Guendouz, chirurgienne oncologue au service de chirurgie générale de l’EPH Djilali Rahmouni (ex-clinique des Orangers). À travers cette interview, nous souhaitons éclairer les femmes sur les différentes étapes du traitement chirurgical et les options de reconstruction mammaire après une mastectomie.
Quand est-il nécessaire de recourir à la chirurgie dans le traitement du cancer du sein, et quels sont les critères qui orientent cette décision ?
La chirurgie est l’une des principales armes thérapeutiques contre le cancer du sein. Tout cancer du sein doit être opéré, soit d’emblée, soit après un traitement médical appelé traitement néo-adjuvant, qui consiste souvent en une chimiothérapie précédant l’intervention chirurgicale. La seule limite au recours à la chirurgie est lorsque la maladie est d’emblée métastatique. Dans ces cas, la décision est prise au cas par cas, après discussion entre les chirurgiens et les oncologues, pour évaluer le bénéfice de la chirurgie pour la patiente.
Après une mastectomie, quand peut-on envisager la reconstruction mammaire, et quelles sont les options disponibles pour les patientes ?
La reconstruction mammaire peut être proposée soit immédiatement, c’est-à-dire le jour même de la mastectomie, soit dans le même temps opératoire. Cette option est généralement possible pour les cancers précoces, comme les carcinomes in situ, lorsque l’on est quasiment certain que la patiente n’aura pas besoin de chimiothérapie ni de radiothérapie post-opératoires. En effet, une reconstruction immédiate chez une patiente atteinte d’un cancer agressif peut entraîner un retard de cicatrisation, retardant ainsi la suite de son parcours de traitement. La seconde option est de réaliser une reconstruction différée, après la fin des traitements, en particulier après un délai minimum de 6 à 12 mois suivant la radiothérapie, afin d’obtenir de meilleurs résultats esthétiques lorsque la peau retrouve un aspect normal. Pour les options, on peut utiliser une prothèse mammaire en silicone ou le muscle grand dorsal, méthode souvent utilisée. Quand le sein controlatéral est de grande taille, les deux techniques, prothèse et muscle, peuvent être combinées pour obtenir un volume mammaire proche du sein controlatéral.
Est-ce que toutes les patientes atteintes de cancer du sein ont les mêmes chances de guérison et de prise en charge, ou observe-t-on des disparités en fonction de certains facteurs (âge, stade de la maladie, accès aux soins) ?
Toutes les patientes ont des chances de rémission, voire de guérison, mais ces chances ne sont pas les mêmes pour toutes. En effet, une patiente présentant un cancer précoce, avec une tumeur ne dépassant pas 2 cm et sans ganglions atteints, aura non seulement un maximum de chances de guérison, mais également plus de chances de conserver son sein et d’éviter les effets secondaires d’un curage axillaire, dont la complication la plus notable est le risque de lymphœdème (gros bras). Outre le stade de la maladie, d’autres facteurs influencent l’évolution, comme le type de cancer. Certains cancers évoluent très lentement, laissant parfois des années avant que la femme consulte, tandis que d’autres, très agressifs, peuvent évoluer en quelques mois. Cela montre que toutes les patientes n’évoluent pas de la même manière. Concernant l’âge, les jeunes femmes tendent à développer des cancers plus agressifs et plus avancés, car elles consultent souvent tardivement. De plus, même lorsqu’elles consultent, elles peuvent être faussement rassurées, car on ne s’attend pas à un cancer chez une femme de moins de 30 ans. Pourtant, cette maladie peut toucher la femme à tout âge, et dans notre pays, 12 % des cancers du sein concernent des femmes de moins de 35 ans.
Comment la sensibilisation autour d’Octobre Rose a-t-elle contribué à améliorer le dépistage et l’accès aux traitements chirurgicaux pour les femmes atteintes de cancer du sein en Algérie ?
Les campagnes de sensibilisation, qu’elles aient lieu en octobre ou idéalement tout au long de l’année, sont toujours les bienvenues. Elles ont permis de recevoir des femmes plus averties et plus sensibles à cette maladie. Lorsqu’elles se présentent avec un cancer, celui-ci est de plus en plus souvent détecté à un stade précoce. Cela nous permet de proposer davantage de traitements conservateurs, de réaliser moins de curages ganglionnaires, et d’éviter, dans certains cas de bon pronostic, la chimiothérapie ou la radiothérapie. Ainsi, la patiente réintègre plus rapidement sa vie sociale et professionnelle. Ces campagnes de sensibilisation sont donc extrêmement bénéfiques.
Entretien réalisé par Ines Fouzari