Une récente étude publiée dans la revue scientifique Science Signaling établit une connexion inédite entre les traumatismes crâniens et la maladie d’Alzheimer. Menée par des chercheurs des universités d’Oxford, Manchester et Tufts, cette recherche révèle que les blessures à la tête peuvent réactiver des virus de l’herpès dormants, entraînant des processus neurodégénératifs associés à la démence.
Un double facteur de risque identifié
La maladie d’Alzheimer, forme la plus courante de démence, touche des millions de personnes dans le monde. Si l’on savait déjà que des protéines toxiques comme les plaques bêta-amyloïdes et les protéines Tau sont responsables de la destruction des neurones, cette étude met en lumière un nouveau mécanisme.
Les chercheurs ont découvert que les virus de l’herpès, qui peuvent rester latents dans l’organisme tout au long de la vie, sont susceptibles d’être réactivés par des traumatismes crâniens, même légers. Cette réactivation déclenche une inflammation cérébrale, la formation de plaques bêta-amyloïdes et l’accumulation de protéines Tau, contribuant ainsi à la dégénérescence neuronale.
Une expérimentation novatrice
Pour arriver à ces conclusions, les scientifiques ont utilisé un modèle biotechnologique de tissu cérébral humain. Celui-ci a été soumis à des impacts simulant des traumatismes crâniens légers. Ils ont observé que ces chocs suffisaient à « réveiller » les virus de l’herpès latents, entraînant une cascade de réactions neurotoxiques.
Leslie K. Ferrarelli, chercheuse impliquée dans l’étude, explique : « Cette réactivation des virus de l’herpès induit des inflammations et stimule la formation de plaques amyloïdes et de protéines Tau. Ces résultats établissent un lien direct entre deux facteurs de risque – les blessures à la tête et l’activation virale – dans un mécanisme pouvant conduire à la démence. »
Un risque bien connu, mais sous-estimé
Les traumatismes crâniens sont depuis longtemps reconnus comme un facteur de risque de démence. La encéphalopathie traumatique chronique (ETC), par exemple, est une forme rare de démence observée chez les athlètes pratiquant des sports de contact. Déjà décrite dans les années 1920 comme le « syndrome du boxeur », cette maladie se caractérise par des troubles cognitifs, moteurs et comportementaux dus à des coups répétés à la tête.
Cependant, l’étude apporte un éclairage nouveau sur la manière dont ces traumatismes peuvent agir en synergie avec d’autres facteurs, tels que les infections virales latentes, pour accélérer le développement de maladies neurodégénératives comme Alzheimer.
Prévention : une priorité
Face à ces découvertes, les experts appellent à une vigilance accrue, notamment dans le domaine des sports de contact. Des organisations comme Alzheimer Forschung Initiative e.V. recommandent de limiter les risques de chocs crâniens, même légers, et de renforcer les mesures de protection, en particulier pour les jeunes pratiquant des sports à haut risque.
Les personnes âgées, également plus vulnérables aux chutes, sont invitées à adopter des précautions supplémentaires pour prévenir les traumatismes crâniens.
Une avancée scientifique, mais un défi médical
Si cette étude ouvre de nouvelles perspectives sur les mécanismes sous-jacents de la maladie d’Alzheimer, elle met également en lumière la nécessité de développer des thérapies capables d’agir sur ces processus complexes. Actuellement, il n’existe aucun traitement permettant de guérir Alzheimer, et les options pour limiter ses effets restent limitées.
Pour les chercheurs, ces résultats renforcent l’importance de poursuivre les travaux sur les interactions entre infections chroniques, traumatismes et maladies neurodégénératives. Une meilleure compréhension de ces liens pourrait conduire à des stratégies préventives et thérapeutiques plus efficaces dans le futur.
Avec ces nouvelles données, la science offre un nouvel espoir, mais aussi un rappel poignant : la prévention reste la meilleure arme face à des maladies qui bouleversent des vies.
Nouhad Ourebzani