Une équipe de chercheurs internationaux vient de mettre au jour un mécanisme immunitaire jusque-là inconnu, capable de préserver la fonction intestinale face à des infections persistantes. Publiée dans la revue Cell, cette découverte éclaire d’un jour nouveau la manière dont le corps parvient, malgré la présence continue de parasites intestinaux, à maintenir l’équilibre fragile entre défense immunitaire et intégrité des tissus.
Les travaux, menés notamment par le professeur Irah King au Centre universitaire de santé McGill, ont porté sur l’étude d’helminthes — ces vers parasites qui affectent des milliards de personnes dans le monde, principalement dans les régions tropicales et subtropicales. Contrairement aux réponses immunitaires classiques qui visent à éliminer l’agent infectieux, le mécanisme observé tend à moduler la réponse inflammatoire pour éviter des dégâts structurels à long terme dans l’intestin.
Au cœur de cette dynamique, une interaction inédite entre les cellules immunitaires innées et les cellules stromales de la paroi intestinale. Celles-ci, en situation de stress ou de dommage, envoient des signaux qui recrutent et activent des cellules immunitaires spécifiques. Le dialogue cellulaire ainsi instauré permet non seulement de limiter la fibrose, mais aussi de maintenir les fonctions essentielles de l’intestin, comme l’absorption des nutriments et le renouvellement des cellules épithéliales.
Ce mécanisme n’élimine pas l’infection, mais il permet au corps de cohabiter avec elle sans compromettre ses fonctions vitales. Une stratégie de tolérance plutôt que d’éradication, qui pourrait s’avérer décisive dans le traitement de nombreuses maladies inflammatoires chroniques, comme la maladie de Crohn ou les colites ulcéreuses. Il s’agit d’un véritable changement de paradigme : la protection du tissu devient une finalité immunitaire à part entière.
Les implications cliniques sont majeures. Cette voie pourrait ouvrir la porte à des traitements plus doux, visant à renforcer la tolérance immunitaire, à éviter les réactions auto-immunes destructrices, ou à retarder le recours à la chirurgie. Les chercheurs envisagent déjà de s’appuyer sur ce mécanisme pour concevoir de nouveaux vaccins, ou encore des thérapies capables de moduler précisément le dialogue entre cellules stromales et immunitaires.
En redéfinissant les contours du rôle immunitaire intestinal, cette découverte offre un espoir tangible à des millions de patients confrontés à des pathologies digestives chroniques. Elle rappelle surtout une vérité trop souvent négligée : dans l’équilibre délicat du système immunitaire, il ne s’agit pas seulement de combattre l’ennemi, mais aussi — et peut-être surtout — de préserver l’hôte.
Nouhad Ourebzani