Chaque seconde, une personne dans le monde contracte une infection par l’herpès génital. Ce chiffre vertigineux, révélé par les données les plus récentes de l’Organisation mondiale de la santé, illustre l’ampleur d’un phénomène sanitaire sous-estimé. Près de 846 millions d’individus âgés de 15 à 49 ans sont aujourd’hui porteurs du virus, et plus de 42 millions de nouveaux cas sont enregistrés chaque année. Pourtant, cette épidémie planétaire demeure largement invisible.
L’herpès génital est provoqué par deux types de virus de l’herpès simplex. Le HSV-1, généralement associé aux boutons de fièvre, est de plus en plus impliqué dans les infections génitales, en particulier dans les pays à haut revenu où l’amélioration de l’hygiène a réduit les infections orales pendant l’enfance. Mais c’est surtout le HSV-2, transmis par voie sexuelle, qui est à l’origine de la grande majorité des cas symptomatiques. Ce dernier est d’ailleurs considéré comme un facteur de risque majeur pour l’acquisition du VIH, dont il triple la probabilité lors d’une exposition.
Malgré la banalisation de l’infection sur le plan statistique, ses conséquences n’en demeurent pas moins graves. L’herpès génital provoque douleurs, lésions, récidives fréquentes et détresse psychologique profonde. Dans de nombreux cas, les patients vivent leur maladie dans la honte, le secret, et l’isolement. Le silence social et médical qui entoure cette pathologie contribue à sa progression. En l’absence de symptômes visibles chez une majorité de personnes infectées, la transmission se fait souvent à l’insu de chacun, alimentant un cercle vicieux de contamination silencieuse.
Face à ce constat, les experts de l’OMS appellent à un changement radical d’approche. Ils plaident pour des campagnes massives d’information, la réduction de la stigmatisation, l’amélioration de l’accès aux traitements antiviraux et le financement urgent de la recherche vaccinale. Aujourd’hui, aucun vaccin contre l’herpès n’existe, et les traitements disponibles, bien que partiellement efficaces, ne permettent ni de guérir, ni de stopper complètement la contagion. L’herpès génital reste ainsi l’une des grandes oubliées des politiques de santé publique, alors qu’il s’agit de l’une des infections sexuellement transmissibles les plus répandues au monde.
L’Organisation mondiale de la santé, dans sa stratégie 2022–2030, a inscrit la lutte contre l’herpès parmi ses priorités. Car il ne s’agit pas seulement d’une bataille médicale, mais aussi d’un enjeu social, culturel et psychologique. Le virus ne connaît ni frontières ni classes sociales, mais il se nourrit du silence. Briser ce silence, c’est déjà commencer à combattre l’épidémie. En parler, c’est offrir aux millions de personnes concernées une reconnaissance, une légitimité, et l’espoir d’une réponse collective à une souffrance trop longtemps ignorée.
Ouiza Lataman