Une étude récemment publiée dans la revue CELL a révélé un potentiel jusque-là insoupçonné de la molécule BMP (Bis(monoacylglycérol) phosphate), un lipide unique, dans la protection et le maintien de la santé cérébrale. Conduite par une équipe du Sloan Kettering Institute de New York, dirigée par le biologiste cellulaire Shubham Singh, cette recherche met en lumière le rôle crucial de BMP dans la prévention des maladies neurodégénératives telles que la démence et la maladie d’Alzheimer.
BMP, bien que lui-même un lipide, agit comme une sorte de « piégeur » d’autres lipides toxiques, empêchant leur accumulation dans le cerveau. Selon Singh et ses collègues, cette fonction est particulièrement vitale pour éviter la dégradation des neurones dans des zones critiques du système nerveux. En empêchant la concentration excessive de certaines molécules lipidiques, BMP pourrait protéger les cellules cérébrales des effets dévastateurs de ces toxines, rapporte le site ScienceAlert.
Le secret du BMP réside dans sa structure moléculaire particulière, qui repose sur deux enzymes spécifiques, PLD3 et PLD4, présentes dans les lysosomes — les « centres de recyclage » des cellules. Ces enzymes jouent un rôle essentiel dans la stabilisation du BMP, lui permettant de neutraliser les lipides nocifs qui s’accumulent normalement avec l’âge ou en raison de prédispositions génétiques.
L’étude montre que des niveaux faibles de BMP, notamment chez les patients souffrant de démence frontotemporale, favorisent l’accumulation de gangliosides, des lipides sucrés qui se montrent particulièrement néfastes. Ces gangliosides, lorsqu’ils s’accumulent, attaquent les neurones du cerveau et de la moelle épinière, entraînant des troubles neurodégénératifs graves comme la gangliosidose. Cependant, Singh et son équipe ont découvert qu’en administrant du BMP aux cellules touchées par cette accumulation, il était possible de restaurer leur intégrité cellulaire, une avancée prometteuse dans le traitement de ces pathologies.
Les résultats de cette étude suggèrent que les mutations des enzymes PLD3 et PLD4 affectent directement la production de BMP, liant ainsi les déséquilibres lipidiques à des pathologies telles que la maladie d’Alzheimer. Cette découverte ouvre la voie à de nouvelles approches thérapeutiques axées sur la régulation des niveaux de BMP, qui pourrait un jour aider à prévenir ou à ralentir les effets de la démence.
Pour les scientifiques, ces avancées marquent une étape importante dans la compréhension des processus biologiques à l’origine des maladies neurodégénératives. « Ces découvertes changent notre manière d’envisager les traitements des troubles neurologiques, en ciblant non seulement les symptômes mais en cherchant aussi à corriger les déséquilibres biochimiques sous-jacents », affirme Singh.
Avec cette étude, la recherche sur les lipides cérébraux progresse vers une meilleure compréhension du fonctionnement complexe de notre cerveau et offre un espoir pour de nouvelles stratégies thérapeutiques contre des maladies jusque-là incurables. Alors que les chercheurs continuent de percer les mystères du cerveau, la molécule BMP pourrait bien devenir une pièce maîtresse dans la lutte contre la dégénérescence neuronale.
Nouhad Ourebzani