Une revue scientifique de neuf ans a établi un lien préoccupant entre l’exposition au fluorure et la baisse du quotient intellectuel (QI) chez les enfants. Selon cette analyse, publiée dans le journal JAMA Pediatrics, une augmentation d’un point par million (ppm) de fluorure dans l’urine est associée à une diminution d’environ un point du QI des enfants.
Une menace pour les populations vulnérables
Bien que cette diminution semble minime à l’échelle individuelle, les chercheurs avertissent que ses conséquences à l’échelle de la population sont importantes, en particulier pour les groupes déjà vulnérables en raison de la pauvreté ou d’une nutrition déficiente. Une baisse de 5 points de QI dans une population, précisent-ils, pourrait presque doubler le nombre de personnes classées comme ayant une déficience intellectuelle.
Une étude controversée
Menée par le National Toxicology Program (NTP) américain, l’étude a subi plusieurs cycles de révision avant sa publication finale en août. Ces retards ont été interprétés par certains comme une tentative de freiner la diffusion de résultats embarrassants. Finalement, en septembre, ces conclusions ont conduit un juge fédéral à ordonner à l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis (EPA) de renforcer la régulation du fluorure pour protéger le développement intellectuel des enfants.
Dans une décision marquante, le juge Edward Chen a affirmé que les niveaux actuels de fluorure dans l’eau potable aux États-Unis justifiaient une réponse réglementaire urgente.
Une pratique de santé publique remise en question
Le fluorure, présent naturellement dans l’eau, le sol et les roches, est également utilisé depuis des décennies pour prévenir les caries dentaires. De nombreuses municipalités l’ajoutent à l’eau potable, une pratique encouragée par des institutions telles que les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Cependant, la nouvelle étude souligne les risques potentiels du fluorure pour le cerveau en développement, notamment pendant la grossesse et la petite enfance. Les données révèlent un lien constant entre une exposition accrue au fluorure – mesurée dans l’eau, l’urine ou les signes physiques comme la fluorose dentaire – et des diminutions du QI.
Une controverse scientifique
Des experts comme le Dr Bruce Lanphear, épidémiologiste à l’Université Simon Fraser, estiment que les preuves de la neurotoxicité du fluorure sont suffisantes pour justifier une réévaluation des politiques publiques. D’autres, comme le Dr Steven Levy, professeur à l’Université de l’Iowa, remettent en question la méthodologie et la fiabilité des études incluses, en particulier celles réalisées en dehors des États-Unis, souvent jugées biaisées.
Les recommandations pour les femmes enceintes
Malgré ces désaccords, un consensus semble émerger sur la nécessité de limiter l’exposition au fluorure pendant les périodes critiques de développement, comme la grossesse et la petite enfance. Les chercheurs conseillent notamment d’éviter les sources comme l’eau fluorée, les thés noirs riches en fluorure et les pesticides, particulièrement pour les femmes enceintes.
Vers une révision des politiques publiques
Alors que le débat sur les risques et les bénéfices du fluorure se poursuit, les experts appellent à une évaluation plus nuancée de cette pratique de santé publique. Si les caries dentaires restent un problème majeur, les nouvelles données invitent à repenser l’équilibre entre prévention dentaire et protection neurodéveloppementale.
Cette étude relance une question cruciale : jusqu’où faut-il aller pour protéger la santé publique, sans compromettre d’autres aspects du bien-être collectif ? Une réponse pourrait être trouvée dans une gestion plus ciblée et transparente des risques liés au fluorure.
Nouhad Ourebzani