Une étude récente met en lumière une problématique sous-estimée dans la prise en charge des patients atteints de syndrome coronarien aigu (SCA) : la carence en fer. Selon cette analyse menée par Rua Camilo Castelo Branco et son équipe du département de cardiologie de l’hôpital São Bernardo à Setúbal, près de la moitié des patients hospitalisés pour un SCA présentent une carence en fer, une condition largement méconnue dans la littérature médicale.
Une forte prévalence associée à des risques accrus
Cette étude rétrospective, conduite sur tous les patients admis en soins coronariens ou en cardiologie avec un diagnostic de SCA entre janvier et décembre 2019, révèle que 48 % des participants étaient touchés par une carence en fer. Parmi eux, un tiers souffrait également d’anémie. L’analyse a également mis en évidence une corrélation entre la présence d’anémie et une augmentation du risque de décès toutes causes confondues, soulignant l’impact potentiellement délétère de cette condition dans le contexte du SCA.
Des données préoccupantes dans un contexte global
La carence en fer touche près d’un tiers de la population mondiale, affectant particulièrement les enfants, les personnes âgées et les femmes préménopausées. Chez les patients atteints de maladies cardiovasculaires, cette condition est encore plus répandue, avec une prévalence pouvant atteindre 55 % dans les cas d’insuffisance cardiaque chronique et jusqu’à 80 % dans les cas aigus. Toutefois, peu de recherches se sont intéressées à son impact chez les patients atteints de SCA, bien que cette pathologie constitue une cause majeure de morbidité et de mortalité.
Des résultats significatifs sur les hospitalisations et la mortalité
Sur les 287 patients inclus dans l’étude, âgés en moyenne de 66 ans et majoritairement des hommes (72 %), 57 % ont été diagnostiqués avec un infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST (STEMI). L’analyse a révélé que les patients souffrant de NSTEMI étaient plus fréquemment affectés par une carence en fer que ceux atteints de STEMI.
Au cours du suivi médian de 28 mois, des disparités notables ont été constatées :
• 15 % des patients avec carence en fer ont été réadmis pour insuffisance cardiaque, contre 7 % pour ceux sans carence.
• 18 % des patients sont décédés toutes causes confondues.
• Une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) réduite était plus fréquente dans ce groupe.
Ces résultats démontrent un lien entre la carence en fer et une augmentation des admissions pour insuffisance cardiaque, bien que son impact sur la mortalité ou les hospitalisations toutes causes confondues nécessite des investigations supplémentaires.
Des perspectives thérapeutiques à explorer
Les recommandations actuelles, notamment celles de la Société européenne de cardiologie (ESC), préconisent le dépistage de la carence en fer chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque à l’aide de tests de ferritine sérique et de saturation de la transferrine. Cependant, cette pratique est encore peu courante pour les patients atteints de SCA.
Les chercheurs concluent que des études supplémentaires sont nécessaires pour :
• Évaluer l’impact pronostique de la carence en fer, avec ou sans anémie, dans la progression de l’insuffisance cardiaque.
• Étudier les bénéfices potentiels de la supplémentation en fer chez les patients atteints de SCA.
Cette étude met en exergue un besoin urgent de reconnaissance clinique et de prise en charge proactive de la carence en fer chez les patients souffrant de pathologies cardiovasculaires. Si des recherches complémentaires viennent confirmer ces premiers résultats, la supplémentation en fer pourrait devenir une stratégie thérapeutique incontournable pour réduire les complications et améliorer la survie des patients atteints de SCA.
Nouhad Ourebzani