Deux études récentes ont mis en lumière un lien préoccupant entre l’utilisation problématique des smartphones par les adolescents et l’augmentation des symptômes d’anxiété, de dépression et d’insomnie. Mais ces résultats doivent-ils vraiment nous inquiéter ?
Les chercheurs de ces études ont défini l’utilisation problématique des smartphones comme une situation où l’utilisateur perd le contrôle de son usage, se préoccupe excessivement de son appareil au détriment d’activités significatives et éprouve de l’angoisse en cas d’impossibilité d’utilisation. Jon Elhai, de l’Université de Toledo en Ohio, qui n’a pas participé à ces recherches, explique que l’utilisation devient problématique lorsque celle-ci interfère avec le travail, les études ou les relations sociales.
À ce jour, l’« utilisation problématique d’un smartphone » n’est pas reconnue comme une condition médicale par les principaux organismes de santé, tels que l’Organisation mondiale de la santé, les Centres américains de contrôle et de prévention des maladies, ou encore les services de santé nationaux du Royaume-Uni.
Les deux études ont cependant révélé une association entre l’utilisation problématique des smartphones et certains troubles de santé mentale. Nicola Kalk, du King’s College de Londres et co-auteur des deux études, souligne qu’il est nécessaire de mener davantage de recherches pour déterminer si l’utilisation des smartphones peut effectivement causer de tels problèmes de santé.
Résultats des Études :
Dans la première étude, Kalk et ses collègues ont analysé l’utilisation des smartphones chez plus de 650 adolescents âgés de 16 à 18 ans, en utilisant la « Smartphone Addiction Scale ». Cette échelle mesure, par exemple, si les utilisateurs ressentent une vision floue ou de l’impatience en raison de leur utilisation du smartphone, avec des scores allant de 10 à 60. Un score supérieur à 30 est considéré comme problématique. Les résultats ont montré que 19 % des participants avaient une utilisation problématique de leur smartphone. Ces adolescents étaient deux fois plus susceptibles de signaler des symptômes d’anxiété modérée et près de trois fois plus susceptibles de signaler des symptômes de dépression modérée comparés à leurs pairs.
Ces adolescents passaient en moyenne 29 minutes supplémentaires par jour sur Instagram et 22 minutes de plus sur TikTok, par rapport à ceux n’ayant pas une utilisation problématique. Aucun lien significatif n’a été trouvé avec d’autres applications comme Snapchat ou WhatsApp.
L’équipe de chercheurs a pris en compte divers facteurs pouvant influencer les résultats, tels que le temps total passé devant l’écran chaque jour. Ils ont distingué l’impact du temps d’écran général de celui de l’utilisation problématique des smartphones, constatant que seul ce dernier était lié à des symptômes d’anxiété et de dépression.
La deuxième étude a examiné l’utilisation des smartphones chez 69 adolescents âgés de 13 à 16 ans, en se concentrant également sur les symptômes d’anxiété, de dépression et d’insomnie. Ici, 44 % des participants correspondaient à la définition d’une utilisation problématique des smartphones. Lors d’un suivi un mois plus tard, une aggravation de l’utilisation problématique était associée à des symptômes plus sévères d’anxiété, de dépression et d’insomnie.
Limites et Interprétations des Résultats :
Ces études ne prouvent pas de manière concluante que l’utilisation problématique des smartphones cause une détérioration de la santé mentale chez les adolescents. Sunny Xun Liu, de l’Université de Stanford, ainsi que Kalk et Ben Carter du King’s College, reconnaissent que les jeunes présentant déjà ces symptômes peuvent avoir une utilisation plus problématique des smartphones. Il pourrait s’agir d’un lien bidirectionnel, comme le suggère Jay Olson de l’Université de Toronto, mais une causalité directe n’a pas encore été établie.
Réactions et Recommandations :
Dans la deuxième étude, les participants présentant une utilisation problématique des smartphones étaient cinq fois plus enclins à vouloir réduire leur usage. Ce constat est perçu comme un signe à la fois inquiétant et encourageant par Carter.
Dans la première étude, 95 % des participants ont tenté de limiter leur usage, optant pour des stratégies comme le mode « Ne pas déranger », la désactivation des notifications, et le fait de laisser leur appareil hors de la chambre à coucher.
Pour Kalk, au lieu d’imposer des restrictions strictes, les parents et les écoles devraient dialoguer avec les adolescents sur les aspects bénéfiques et nuisibles de l’utilisation des smartphones. Certains adolescents apprécient de rester en contact avec leurs proches via leur smartphone, mais reconnaissent également que cela peut être une source de distraction.
Nouhad Ourebzani