Le Covid 19 s’installe par de nombreux symptômes : fièvre, maux de tête, toux sèche, perte de l’odorat(anosmie) ou du goût (agueusie) et parfois par l’apparition d’ulcérations digitales périphériques. L’évolution de la maladie affecte, en dehors des poumons, le cœur, les reins et le système nerveux. Chez 15 % des patients hospitalisés, une pneumonie sévère survient pouvant aller vers un syndrome de détresse respiratoire aiguë exigeant une ventilation artificielle.
Avec l’expérience acquise par la prise en charge de nombreux malades à travers le monde et avec les autopsies de nombreux patients décédés, il a été retrouvé, un rôle important de l’hypercoagulabilité dans la gravité de la maladie.
Des caillots(thrombus) se forment au niveau des gros vaisseaux mais surtout au niveau des petits vaisseaux provoquant un état diffus de microthromboses pouvant générer une coagulation intravasculaire disséminée(CIVD).
En effet, une CIVD a été rapportée chez de nombreux patients chinois décédés et dont les autopsies ont montré la présence de thrombus non seulement au niveau des poumons mais aussi au niveau du cœur, du foie et des reins. Il a été,ainsi,souligné par les rapporteurs de l’étude, que la forte réaction inflammatoire et la thrombose étaient des éléments importants de la morbidité et de la mortalité du Covid19.
L’agression inflammatoire cytokynique et l’intense état procoagulant produit par le virus, provoquent des thromboses veineuses et artérielles responsables d’embolie pulmonaire, d’accident vasculaire ischémique cérébral(AVC), d’infarctus du myocarde et de thromboses aigues artérielles des membres inférieurs.
Une étude autopsique, réalisée chez 38 patients italiens décédés du covid 19, révèle la présence d’une nécrose des cellules pulmonaires et d’agrégats plaquettaires au niveau des petits vaisseaux artérielles pulmonaires. Les auteurs de cette étude ont conclu que la coagulopathie était prédominante dans les cas graves, suggérant l’instauration d’un traitement anticoagulant systématique.
Une autre étude autopsique américaine, publiée en avril 2020,sur 4 décès ,rapporte la présence de petit thrombus et de fibrines dans les capillaires et les petits vaisseaux.
La conclusion de cette étude insiste sur la notion que la micro-angiopathie thrombotique peut être un des facteurs prédictifs du décès d’un patient avec un Covid 19.De nombreux cas de thromboses artérielles(4% des complications thrombotiques du Covid 19) et veineuses ont été rapportés dans la littérature récente. Des angioscanners pulmonaires ont montré, dans de nombreux cas, des microthromboses et des embolies pulmonaires.
Une étude italienne a fait ressortir que,parmi 44 patients, l’angioscanner a objectivé10 cas d’embolies pulmonaires et que,lors des hospitalisations de ces patients, il y a eu des cas de syndrome coronariens aigues et des AVC .
Un patient Covid 19 a été opéré d’une ischémie aiguë des membres inférieurs à l’hôpital d’Oran. Il a été publié,il y a quelques jours,un cas de thrombose aigue d’un pontage aorto-bifémoral,parfaitement perméable auparavant, survenue lors de la phase infectieuse du coronavirus. Des cas d’acrosyndromes ont été publiés, comprenant des ischémies des doigts ayant entrainé des nécroses digitales. Il est important de noter que le risque thrombotique peut persister plusieurs semaines après l’invasion virale.
Toutes ces complications du Sras-Cov2 s’expliquent par la production d’agrégats de cellules inflammatoires à l’origine d’une dysfonction endothéliale et micro-vasculaire et donc de nécroses cellulaires. La dysfonction plaquettaire est probablement en rapport avec la présence de récepteurs du virus au niveau des mégacaryocytes.
La découverte,dans le bilan d’un patient ,d’un taux de D-dimères (produit de dégradation de la fibrine) >1 μg/ml, prédit une mortalité certaine. Ainsi, il est admis qu’une élévation importante des D dimères est corrélée à un haut taux de décès.
Les taux de D-dimères et du fibrinogène augmentent de manière proportionnelle à l’aggravation de la maladie et des signes cliniques de thrombose . Une augmentation des D-dimères constitue un facteur péjoratif du pronostic. Un taux de D-dimères supérieur à 0,5μg/ml doit conduire à l’instauration d’un traitement anticoagulant héparinique curatif si le risque hémorragique est peu important.
Ainsi l’utilisation des anticoagulants a été récemment introduite comme un traitement essentiel des Covid 19 sévères, en dehors du traitement anti-viral ..Ce traitement est basé essentiellement sur les héparines à bas poids moléculaire(Innohep® 175xpoids en Kg en une injection par jour ou Lovenox® 1mg/kg à raison de 2 injections par jour)ou les héparines non fractionnées en cas d’insuffisance rénale sévère. Les autres anticoagulants,en dehors du fondaparinux, n’ont pas leur place dans le COVID 19.
Un état d’hypercoagulabilité lors d’une infection Sars-Cov2 sévère doit être rigoureusement évalué et traité par un traitement anticoagulant. Une thrombose aortique est associée à une forte mortalité. Une héparinothérapie curative est obligatoire chez les patients porteurs d’une prothèse vasculaire ou ayant des antécédents de maladie veineuse thrombo-embolique.
Vu que les événements thrombotiques vasculaires constituent un des aspects critiques du virus,il est important de considérer que leurs recherches seront essentielles(echodoppler, angioscanner, dosage des D-Dimères et du fibrinogéne) et qu’un traitement anticoagulant sera minutieusement institué en prenant en compte l’éventualité des risques hémorragiques .
Une question demeure :Est ce que la thromboprophylaxie(prévention de la thrombose) est utile après la sortie de l’hôpital d’un patient Covid 19 ?
Par Professeur Bouayed Mohamed Nadjib, spécialiste en chirurgie vasculaire et endovasculaire, médecine vasculaire et échodoppler
-Ancien Chef de service de chirurgie vasculaire à l’Etablissement Hospitalo-Universitaire d’Oran
-Membre de l’Académie Française de Chirurgie
-Président de l’Association de Chirurgie Vasculaire d’Oran (ACVO)