Le professeur Touati Benoukraf, spécialiste en bioinformatique et médecine de précision, a affirmé à Constantine que la connaissance du génome algérien est devenue une nécessité urgente. Lors de la conférence inaugurale de l’atelier organisé par le Centre de Recherche en Sciences Pharmaceutiques, il a souligné que l’Algérie dispose déjà d’équipements lourds avancés, mais reste au début de son développement dans le domaine du génome et de la médecine personnalisée.
Les Bases Technologiques Sont Présentes
Selon le chercheur, titulaire de la chaire canadienne en bioinformatique à l’Université Memorial au Canada, l’Algérie possède les infrastructures technologiques nécessaires pour construire un système national robuste. Cependant, il a mis l’accent sur l’importance cruciale de former une génération de compétences locales capables d’exploiter ces technologies.
Souveraineté Nationale et Collecte des Données Génétiques
Le professeur Touati Benoukraf a insisté sur le lien entre souveraineté nationale et collecte de données génétiques. Il a expliqué que l’envoi d’échantillons génétiques à l’étranger compromet la souveraineté et que les outils conçus pour d’autres génomes, notamment européens, ne sont pas toujours adaptés aux spécificités algériennes.
L’initiative algérienne « Genetical », fondée à Oran, est selon lui un jalon fondamental pour construire un écosystème souverain en médecine personnalisée, grâce à l’effort commun de compétences locales et internationales.
Une Inévitable Phase de Formation
L’Algérie possède plusieurs plateformes de séquençage d’ADN ainsi que des ressources informatiques importantes, comme le centre « CERIST ». Toutefois, le défi majeur reste la formation : il est indispensable de former des analystes capables de traiter et d’interpréter les données génomiques.
Le professeur a suggéré que les jeunes chercheurs s’entraînent sur des données génétiques internationales, en préparation à l’analyse des données nationales à venir.
Des Obstacles Logistiques Persistants
Même si les appareils de séquençage sont disponibles, l’approvisionnement en réactifs biologiques sensibles demeure problématique. Le professeur Touati Benoukraf a expliqué que l’acquisition de ces réactifs nécessite une organisation logistique nationale coordonnée, car elle touche directement à la santé publique.
Il a cependant exprimé son optimisme, affirmant que l’Algérie suit une trajectoire similaire à celle de pays comme le Qatar, devenus des leaders régionaux.
Protection des Données Génétiques : Un Enjeu Éthique et Sécuritaire
Interrogé sur la protection des données génétiques, le professeur a insisté sur la nécessité d’une sécurisation stricte. Les données doivent être stockées sur des serveurs sécurisés et leur utilisation encadrée par des contrats stricts et des normes éthiques rigoureuses.
Il a précisé que les données génétiques ne sont pas une propriété individuelle, mais concernent l’ensemble de la lignée familiale — ancêtres et descendants —, soulevant ainsi d’importants défis éthiques.
Un Champ Multicouche : Au-delà du Génome
En réponse aux questions du public, le professeur a expliqué que le génome n’est qu’une couche parmi d’autres dans la médecine de précision. Il a mentionné l’importance de l’épigénétique et de l’environnement dans l’expression des maladies, indiquant que le contexte biologique est aussi déterminant que les données génétiques elles-mêmes.
Une Médecine de Précision Encore Trop Occidentalisée
Enfin, Le professeur Touati Benoukraf a alerté sur le fait que la plupart des traitements actuels sont conçus pour les populations européennes. Il a rappelé que les thérapies développées en Occident peuvent être moins efficaces sur d’autres populations, d’où l’importance d’une recherche adaptée aux réalités génétiques locales.
Nouhad Ourebzani
