Pr Idir Bitam : “L’éradication du paludisme est scientifiquement illusoire”

Entretien réalisé par Amina Azoune

À l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le paludisme 2025, Esseha donne la parole au Pr Idir Bitam, spécialiste des maladies transmissibles et pathologies tropicales émergentes. Il dresse un état des lieux sans détour des défis actuels, des limites des stratégies vaccinales, et des menaces croissantes que posent les changements climatiques et les migrations. Entretien.

Esseha : Quels sont, selon vous, les principaux défis actuels dans la lutte contre le paludisme, notamment en Afrique subsaharienne et dans les zones tropicales à forte endémie ?

Pr Idir Bitam : Les priorités sont claires : il faut réduire la mortalité, limiter les piqûres de moustiques Anopheles, développer des insecticides efficaces et sûrs, et surtout poursuivre les recherches pour obtenir un vaccin fiable, durable, et adapté aux réalités africaines.

Esseha : Comment expliquer que le paludisme reste une maladie aussi persistante malgré les campagnes de prévention et les progrès thérapeutiques ?

Pr Idir Bitam : Cela s’explique par un manque de prise en charge effective de la part des autorités locales et un défaut de vigilance de la population. Il faut aussi compter avec les migrations, qui exposent les individus vulnérables à des environnements propices à la transmission du parasite Plasmodium via les moustiques Anopheles.

Esseha : Où en est-on aujourd’hui dans le développement des vaccins et des traitements contre le paludisme ?

Pr Idir Bitam : Plusieurs vaccins ont été développés et déployés dans certaines zones endémiques. Mais beaucoup présentent encore des limites en termes d’efficacité ou provoquent des effets indésirables. Il faut intensifier les phases de tests cliniques pour améliorer leur fiabilité.

Esseha : Les changements climatiques ont-ils un impact observable sur l’évolution des zones à risque ?

Pr Idir Bitam : Oui, clairement. Le climat influe sur la répartition des moustiques et donc sur les foyers de transmission. Les déplacements de populations porteuses vers des régions saines favorisent aussi l’introduction du parasite dans de nouveaux environnements.

Esseha : Peut-on envisager une éradication durable du paludisme ?

Pr Idir Bitam : Il faut être lucide : le mot “éradication” n’a plus sa place dans le discours scientifique. On peut maîtriser la maladie, en réduire la prévalence, mais pas la faire disparaître totalement. L’approche doit reposer sur la responsabilisation des populations, la suppression des gîtes larvaires, et la mise au point de traitements ciblés et puissants contre le parasite.

Esseha : Quelle est la situation épidémiologique du paludisme en Algérie aujourd’hui ?

Pr Idir Bitam : L’Algérie est certifiée exempte de paludisme depuis 2019. Cela dit, environ 2 200 cas importés sont recensés chaque année, principalement dans les régions frontalières du Sud. Il s’agit surtout de ressortissants africains ou d’Algériens de retour de zones à risque.

Esseha : Quelles actions sont mises en œuvre pour prévenir une réapparition du paludisme sur le territoire ?

Pr Idir Bitam : Le ministère de la Santé effectue des dépistages systématiques à l’aide de gouttes épaisses, administre les traitements adaptés, et mène des opérations entomologiques pour identifier les gîtes larvaires et les espèces vectrices. Des pièges spécifiques sont aussi utilisés pour capturer les moustiques adultes.

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