Les macronutriments – lipides, glucides et protéines – jouent un rôle essentiel dans le bon fonctionnement de l’organisme. Pourtant, ces dernières années, l’industrie agroalimentaire a mis l’accent sur les protéines, multipliant les produits enrichis et suscitant une demande croissante. Mais cette obsession pour les protéines repose-t-elle sur un réel besoin nutritionnel ou sur une stratégie commerciale bien rodée ?
Selon des spécialistes en physiologie et nutrition, les protéines sont cruciales pour la régénération des cellules, notamment musculaires, et participent à de nombreux processus biologiques, allant du renouvellement des tissus à la fonction immunitaire. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande une consommation quotidienne de 0,8 g de protéines par kilogramme de poids corporel pour un adulte en bonne santé, soit environ 64 g pour une personne pesant 80 kg.
Or, les études montrent que la majorité des individus consomment déjà largement assez de protéines, voire un excès. Dans plusieurs pays, la consommation quotidienne moyenne dépasse les recommandations d’au moins 20 %. Pour certaines populations, comme les personnes âgées ou les patients malnutris, un apport plus élevé (entre 1,2 et 2 g/kg) est recommandé afin de préserver la masse musculaire. Toutefois, pour la plupart des adultes en bonne santé, une surconsommation n’apporte aucun bénéfice supplémentaire.
Contrairement aux idées reçues, une alimentation trop riche en protéines ne favorise pas nécessairement la prise de masse musculaire. Les experts en nutrition rappellent que le corps ne stocke pas les protéines excédentaires sous forme de muscles, mais les transforme en énergie ou en graisse. Une surconsommation peut ainsi conduire à une prise de poids, en particulier lorsque les protéines sont consommées en remplacement d’autres nutriments essentiels, comme les glucides.
Des spécialistes soulignent également que l’idée selon laquelle un régime riche en protéines est nocif pour les reins ne concerne que les personnes ayant des pathologies préexistantes. En revanche, un déséquilibre alimentaire – par exemple, une réduction excessive des glucides au profit des protéines – peut s’avérer contre-productif pour les sportifs, en compromettant leur apport énergétique global.
La source des protéines consommées a aussi son importance. Selon des chercheurs en épidémiologie et nutrition, une consommation excessive de protéines animales, notamment issues de la viande rouge, pourrait être associée à un risque accru de maladies cardiovasculaires, en raison de la présence de graisses saturées et de cholestérol. À l’inverse, les protéines végétales – présentes dans les légumineuses, les noix et les céréales complètes – sont associées à une meilleure espérance de vie et à une réduction du risque de maladies chroniques.
Des études récentes indiquent par ailleurs qu’il n’existe pas de différence significative entre protéines animales et végétales en termes de maintien de la masse musculaire, à condition que l’ensemble des acides aminés essentiels soit couvert. Ainsi, combiner différentes sources de protéines végétales (comme les légumineuses avec des céréales) permet d’obtenir un profil nutritionnel complet.
Avec la multiplication des barres et poudres protéinées, il est légitime de se demander si ces produits sont réellement nécessaires. De nombreux spécialistes en nutrition préconisent une approche basée sur l’alimentation naturelle, expliquant que les compléments ne sont utiles que dans des situations spécifiques, comme pour les sportifs de haut niveau ou en cas de carences avérées.
Les barres et shakes protéinés, souvent ultraprocessés et riches en additifs, peuvent entraîner un apport calorique excessif et favoriser la prise de poids. En l’absence d’un réel besoin, leur consommation régulière apparaît donc superflue.
L’essor des produits enrichis en protéines semble moins répondre à une nécessité de santé publique qu’à une opportunité commerciale. L’industrie alimentaire capitalise sur la perception selon laquelle un apport plus élevé en protéines est bénéfique pour tous, bien que les besoins réels varient d’un individu à l’autre.
En définitive, les recommandations des experts sont claires : une alimentation équilibrée, variée et riche en sources naturelles de protéines – qu’elles soient animales ou végétales – suffit amplement à couvrir les besoins de la majorité des individus. Loin d’une carence généralisée, c’est plutôt l’excès et le déséquilibre alimentaire qui posent aujourd’hui question.
Nouhad Ourebzani