Quatre questions au Professeur Ouali Mourad , Chef de service de la réanimation polyvalente du CHU MUSTAPHA.

"Réanimation Médicale, un pilier essentiel dans la prise en charge des patients critiques à l’ère de l’innovation"

Le Professeur Ouali Mourad, Chef de service de la réanimation polyvalente au CHU Mustapha,  nous éclaire sur les enjeux majeurs de la réanimation médicale, un domaine au cœur de la lutte pour sauver des vies dans des situations critiques. Entre avancées technologiques, gestion des cas complexes et accompagnement des familles, la réanimation médicale est un pilier essentiel du système de santé. À travers cet entretien,  il apporte un éclairage sur  les défis quotidiens de cette spécialité exigeante, les innovations qui transforment les pratiques, ainsi que la réalité des services de réanimation dans notre pays.

Quels sont les principaux défis que vous rencontrez dans la prise en charge des patients en état critique en réanimation ?

La réanimation médicale présente plusieurs défis, dont le plus important reste la prise en charge de patients dans un état critique, souvent avec des défaillances multiples et complexes. Un aspect clé pour offrir une prise en charge optimale est la nécessité de disposer de matériel de pointe. Cela inclut des respirateurs de dernière génération permettant un soutien ventilatoire précis et personnalisé, des systèmes de monitoring invasif pour un suivi hémodynamique en temps réel, ainsi que des échographes pour une évaluation rapide de la fonction cardiaque et des vaisseaux. De plus, des machines d’hémodiafiltration sont indispensables pour les patients présentant une insuffisance rénale aiguë, tandis que l’utilisation de fibroscopes permet une évaluation plus fine des voies respiratoires et des poumons. Les gaz du sang sont également cruciaux pour ajuster les traitements en fonction de l’équilibre acido-basique et de l’oxygénation. Ces équipements permettent non seulement d’améliorer la précision du diagnostic et de la prise en charge, mais aussi de réduire les risques liés aux défaillances organiques et d’optimiser les chances de survie des patients. La réanimation médicale joue également un rôle crucial dans la gestion des complications graves de nombreuses maladies chroniques. Par exemple, les patients diabétiques peuvent développer des décompensations sévères nécessitant une prise en charge en réanimation, tout comme les patients souffrant de maladies cardiovasculaires graves, d’insuffisance rénale aiguë ou de complications respiratoires dues à des pathologies pulmonaires chroniques. De plus, la réanimation médicale a joué un rôle déterminant lors de la pandémie de COVID-19, en prenant en charge les formes sévères de la maladie, notamment les patients nécessitant une ventilation mécanique et un soutien hémodynamique intensif. Un autre défi majeur est lié au don d’organes et au rôle de la réanimation médicale dans le diagnostic de la mort encéphalique. En tant que service clé dans ce domaine, nous devons garantir une évaluation rigoureuse et conforme aux protocoles pour déterminer la mort encéphalique, étape fondamentale pour les dons d’organes. Le manque de ressources et de personnel spécialisé dans certains établissements complique encore ce processus. Il faut aussi rappeler que Depuis 2015, les spécialités de réanimation médicale et d’anesthésie-réanimation sont distinctes, chacune disposant de comités pédagogiques régionaux (CPRS) et nationaux (CPNS) séparés. L’anesthésie-réanimation se concentre sur la gestion péri-opératoire des patients, notamment pendant les interventions chirurgicales urgentes ou programmées, et sur la gestion des risques liés à l’anesthésie. En revanche, la réanimation médicale s’occupe des patients en état critique en dehors du cadre opératoire, notamment en cas de pathologies aiguës telles que les infections graves, les décompensations des maladies chroniques, les intoxications ou les pathologies sévères, avec une approche des défaillances organiques multiples. Enfin, en Algérie, l’un des obstacles majeurs reste la disponibilité insuffisante de services et de lits de réanimation médicale. Le nombre de ces services reste limité, ce qui entraîne une surcharge dans les unités existantes et rend difficile l’accès aux soins intensifs pour tous les patients nécessitant une prise en charge urgente. Cette pénurie de ressources, associée à un nombre insuffisant de professionnels formés dans ce domaine, complique la gestion optimale des patients. Le manque de services et de lits, combiné à l’exode des réanimateurs médicaux vers l’étranger, représente une réelle difficulté pour répondre à la demande croissante en réanimation médicale et assurer une qualité de soins optimale pour tous les patients.

Comment évaluez-vous les avancées technologiques, comme l’intelligence artificielle ou les dispositifs de monitorage avancé, dans l’amélioration des soins en réanimation ?

Les avancées technologiques, telles que l’intelligence artificielle (IA) et les dispositifs de monitorage avancé, jouent un rôle essentiel dans l’amélioration des soins en réanimation. L’intelligence artificielle permet, par exemple, d’analyser des volumes importants de données cliniques et de générer des prédictions concernant l’évolution de l’état du patient, facilitant ainsi la prise de décisions médicales précoces et personnalisées. L’IA peut aider à identifier les patients à risque de complications graves, permettant ainsi une gestion plus proactive des soins. Les dispositifs de monitorage avancé, tels que les systèmes de surveillance hémodynamique invasifs, les respirateurs de dernière génération et les échographes portables, apportent une précision accrue dans la gestion des fonctions vitales des patients. Ils permettent de suivre en temps réel des paramètres essentiels tels que la pression artérielle, les débits urinaires, l’oxygénation, et la ventilation pulmonaire, ce qui aide à adapter les traitements en fonction des besoins spécifiques de chaque patient. Ces technologies permettent non seulement d’optimiser les traitements, mais aussi de réduire les risques d’erreurs médicales, en fournissant des informations plus précises et en continu. De plus, l’intégration de l’intelligence artificielle et des technologies avancées dans les systèmes de gestion des données permet une meilleure traçabilité des interventions, une analyse plus fine des résultats cliniques et une meilleure coordination entre les équipes médicales. Cela constitue un progrès significatif dans la prise en charge des patients en réanimation, permettant un suivi plus rapide et plus efficace, et contribuant ainsi à améliorer la qualité des soins.

Quelles sont les stratégies utilisées pour prévenir les infections nosocomiales, particulièrement fréquentes dans les services de réanimation ?

Dans les services de réanimation, la prévention des infections nosocomiales, désormais plus largement appelées infections liées aux soins, est un enjeu crucial pour la sécurité des patients. L’une des stratégies majeures repose sur le concept du bon usage des antibiotiques. En effet, il est essentiel de limiter l’utilisation excessive et inappropriée des antibiotiques afin de prévenir le développement de résistances bactériennes. Ce bon usage passe par un diagnostic précis des infections, un ajustement rapide des traitements antibiotiques en fonction des résultats microbiologiques, et une durée de traitement optimisée pour chaque type d’infection. Par ailleurs, l’hygiène des mains reste une mesure fondamentale pour prévenir la transmission des agents infectieux. Tous les membres de l’équipe soignante doivent respecter rigoureusement les protocoles de désinfection des mains et utiliser des équipements de protection individuelle adaptés. La gestion des dispositifs invasifs, tels que les cathéters, les sondes urinaires, et les respirateurs, doit également suivre des protocoles stricts de gestion et de maintenance pour réduire le risque d’infections associées à ces dispositifs. Le rôle des comités de lutte contre les infections nosocomiales (clin-comités) est essentiel dans ce cadre. Ces comités veillent à l’application des protocoles de prévention, analysent les épidémies d’infections nosocomiales et mettent en place des actions correctives en cas de défaillances. Ils jouent un rôle clé dans la formation continue du personnel, dans le suivi de la conformité aux bonnes pratiques et dans la mise en œuvre de mesures préventives adaptées. Enfin, des stratégies comme la surveillance régulière des infections, la gestion rigoureuse des équipements médicaux et le suivi des patients à risque permettent de réduire considérablement l’incidence des infections nosocomiales en réanimation, contribuant ainsi à une meilleure qualité des soins et à une diminution de la morbidité et de la mortalité associées.

Comment accompagnez-vous les familles des patients en réanimation pour les aider à gérer l’attente et l’incertitude ?

L’accompagnement des familles des patients en réanimation est une composante essentielle de notre travail, car l’incertitude et l’inquiétude qu’elles ressentent peuvent être particulièrement accablantes. Nous mettons un accent particulier sur la communication régulière et transparente avec les familles, en leur expliquant l’évolution de l’état du patient et en répondant à leurs questions de manière claire et compréhensible. Chaque équipe médicale veille à ce que les proches soient informés de manière continue sur les décisions prises, les traitements administrés et l’état clinique du patient, ce qui aide à réduire l’anxiété liée à l’incertitude. Nous organisons également des moments spécifiques pour rencontrer les familles, leur permettre de poser leurs questions en tête-à-tête avec les médecins et obtenir des informations détaillées sur la situation de leur proche. Cette approche vise à instaurer un climat de confiance, où les familles se sentent soutenues dans un moment difficile. Par ailleurs, nous mettons en place des espaces et des horaires d’accueil pour que les familles puissent rendre visite aux patients, lorsque cela est possible et compatible avec la gestion des soins en réanimation. Cette présence physique est importante pour les familles et contribue à renforcer leur soutien émotionnel. Au-delà de l’aspect médical, nous veillons également à offrir un soutien émotionnel aux familles, notamment en leur fournissant des ressources pour faire face au stress et à l’angoisse. Bien que nous n’ayons pas de psychologues ou de travailleurs sociaux permanents dans nos équipes, nous orientons les familles vers des services spécialisés si besoin. Enfin, nous encourageons les familles à se soutenir mutuellement, en partageant leurs expériences et en étant présentes les unes pour les autres, afin de mieux gérer l’attente et les émotions liées à la situation de leur proche.

Propos recueillis par Ines Fouzari

Ce site utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. Accept Read More