Un rôle clé des protéines dans la forme des bactéries révélé par des chercheurs de Johns Hopkins

Des chercheurs de l’Université Johns Hopkins ont fait une découverte jugée « surprenante » concernant le rôle essentiel d’une protéine dans le maintien de la forme des bactéries présentes dans les lacs d’eau douce et les sols. Cette avancée, décrite dans un article publié le 15 août dans la revue mBio, pourrait ouvrir de nouvelles voies dans la recherche de meilleurs antibiotiques.

L’étude se concentre sur une bactérie largement étudiée, Caulobacter crescentus, et sur une protéine appelée OpgH. Les chercheurs ont découvert que l’absence de cette protéine déclenche une série d’événements perturbant l’enveloppe cellulaire protectrice de la bactérie, aboutissant finalement à la mort de la cellule. OpgH est une enzyme qui produit des molécules de glucose appelées glucanes périplasmiques osmorégulés (OPG), qui remplissent les espaces gélatineux de l’enveloppe cellulaire.

« Dans nos expériences, lorsque nous éliminons la protéine OpgH chez les bactéries Caulobacter, ce qui arrête la production des molécules de sucre OPG, les bactéries ne survivent pas », explique la Dr. Erin Goley, auteur principal de l’étude et professeure de biochimie à la Johns Hopkins University School of Medicine.

Bien que les bactéries Caulobacter crescentus ne soient généralement pas considérées comme pathogènes, les OPG sont abondamment présents dans les bactéries à Gram négatif, qui possèdent une membrane protectrice. Ces molécules jouent un rôle crucial dans la résistance aux antibiotiques et l’évolution des maladies. Par conséquent, une meilleure compréhension du rôle des OPG dans les bactéries à Gram négatif, y compris Caulobacter, pourrait aider au développement de nouveaux médicaments ciblant des bactéries pathogènes telles que Brucella, Pseudomonas, Salmonella et E.coli.

Si les protéines qui produisent ou modifient ces molécules de sucre sont indispensables à la survie des bactéries, souligne Goley, elles pourraient constituer de bonnes cibles pour de nouveaux antibiotiques. Alternativement, dans les organismes où les OPG ne sont pas essentiels, un médicament ciblant une partie de la voie OPG pourrait rendre les cellules plus sensibles aux antibiotiques existants.

Les chercheurs ont utilisé un outil moléculaire appelé promoteur inductible pour réduire la présence de la protéine OpgH chez Caulobacter et observer les effets sur la forme de la cellule bactérienne. Ils ont également manipulé la cellule pour produire en excès la protéine CenR, activant ainsi de manière excessive la voie de signalisation CenKR, responsable de la régulation de la forme de l’enveloppe cellulaire.

Après avoir ajusté les niveaux des protéines OpgH ou CenR, les scientifiques ont placé les cellules bactériennes sur un gel les empêchant de se déplacer. Ensuite, ils ont utilisé un microscope spécialisé pour observer les formes et les activités des cellules.

« Nous avons constaté que les cellules devenaient déformées lorsque nous réduisions la protéine OpgH, stoppant ainsi la production des molécules de sucre OPG, ou lorsque nous hyperactivions la voie de signalisation CenKR », explique Goley. Les « acteurs moléculaires » responsables de la croissance et du maintien de la forme des cellules n’étaient plus à leurs emplacements habituels, ce qui suggère que OpgH et CenR jouent un rôle crucial dans le maintien de la forme cellulaire.

Lorsque l’enveloppe cellulaire perd sa forme, les bactéries finissent par éclater et mourir, ajoute Goley. « Nous avons établi un modèle pour expliquer comment la déplétion des OPG ou l’activation de la voie de signalisation affecte la forme et la croissance des cellules. »

Toutefois, la caractérisation du rôle des molécules de sucre dans la structure cellulaire de Caulobacter n’est qu’une première étape. Goley précise qu’il faudra du temps pour obtenir une image complète de leur fonction dans les espèces de bactéries à Gram négatif.

« Dans la prochaine phase de recherche, nous espérons explorer toutes les enzymes qui fabriquent, décorent et décomposent ces molécules pour obtenir une vision complète de leur métabolisme et de leur rôle dans le maintien de l’enveloppe cellulaire », conclut Goley. « Une fois que nous aurons découvert comment ces enzymes fonctionnent, nous pourrons cibler ces mécanismes avec des médicaments. »

Nouhad Ourebzani

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