Lors de la réunion annuelle 2024 de l’American Society of Hematology (ASH), des études novatrices ont mis en évidence un lien entre alimentation et cancers hématologiques. Les résultats suggèrent que des interventions nutritionnelles pourraient non seulement prévenir certains cancers, mais aussi améliorer les traitements et réduire les complications.
Les fibres au cœur de la lutte contre le myélome
Le Dr Urvi A. Shah, du Memorial Sloan Kettering Cancer Center, a présenté les résultats de l’étude NUTRIVENTION, qui démontre l’efficacité d’un régime riche en fibres pour ralentir la progression du myélome multiple à partir de conditions précancéreuses telles que la gammapathie monoclonale de signification indéterminée (MGUS) et le myélome indolent.
Dans cette étude pilote menée sur 20 patients ayant un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 25 kg/m², les participants ont suivi un régime à base de plantes pendant 12 semaines. Résultat : une adhésion remarquable de 91 %, une réduction moyenne de l’IMC de 7 %, et des améliorations significatives des marqueurs biologiques, notamment une diminution de l’inflammation et une meilleure diversité du microbiote intestinal.
De façon notable, deux patients dont la maladie progressait ont vu leur état se stabiliser grâce à cette intervention, une observation inédite selon le Dr Shah. Ces résultats ont été confirmés par des études précliniques, qui montrent que les fibres alimentaires réduisent l’expansion des cellules plasmatiques anormales, renforcent le système immunitaire et diminuent l’inflammation.
Une étude de suivi, NUTRIVENTION-3, incluant 150 patients, est actuellement en cours pour approfondir ces découvertes.
Transplantation de cellules souches : des fibres pour prévenir les complications
Le Dr Jenny Paredes et son équipe du City of Hope National Medical Center ont exploré le rôle des fibres chez des patients ayant subi une transplantation allogénique de cellules souches. Leur étude révèle que les régimes riches en fibres augmentent la survie globale et réduisent l’incidence de la maladie du greffon contre l’hôte (GVHD), une complication fréquente et grave.
En analysant l’alimentation de 173 patients sur une période de 40 jours, les chercheurs ont constaté que les fibres favorisaient une diversité accrue du microbiote intestinal, augmentaient la production d’acides gras bénéfiques et réduisaient l’inflammation. Ces résultats ont conduit le City of Hope à revoir ses protocoles nutritionnels pour mieux intégrer ces observations.
Régime cétogène : un allié inattendu des thérapies CAR T-cell
Dans une étude préclinique, le Dr Shan Liu, de l’Université de Pennsylvanie, a démontré que le régime cétogène (riche en graisses et pauvre en glucides) renforçait l’efficacité des thérapies CAR T-cell contre les tumeurs. Le secret réside dans le β-hydroxybutyrate (BHB), un métabolite produit lors de la cétose, qui améliore le métabolisme et les fonctions des cellules CAR T.
Les résultats montrent que les souris nourries selon un régime cétogène, ou directement traitées avec du BHB, avaient des réponses tumorales renforcées et une survie prolongée. Ces découvertes ont poussé les chercheurs à lancer un essai clinique sur l’effet du BHB chez des patients atteints de lymphomes.
Des perspectives prometteuses pour la lutte contre le cancer
Ces études convergent vers un constat : l’alimentation, souvent négligée dans les soins oncologiques, pourrait devenir un levier majeur dans la prévention et le traitement des cancers hématologiques.
Le Dr Ciara L. Freeman, du Moffitt Cancer Center, a résumé l’impact de ces travaux : « La santé du microbiote intestinal, favorisée par des régimes riches en fibres, est essentielle pour prévenir les cancers et améliorer la récupération. Par ailleurs, l’effet du régime cétogène sur les thérapies CAR T-cell ouvre des perspectives révolutionnaires pour intégrer la nutrition dans les soins. »
Bien que ces résultats soient préliminaires, ils marquent un tournant dans la recherche sur l’interaction entre alimentation et oncologie. Ils laissent entrevoir un avenir où la nutrition sera pleinement intégrée dans les stratégies de traitement, offrant ainsi une nouvelle voie d’espoir pour les patients.
Nouhad Ourebzani