Résistance aux antibiotiques : un défi majeur dans les infections postopératoires des pays à faibles revenus

Des niveaux alarmants de résistance multidrogue (RMD) dans les infections du site opératoire (ISO) ont été révélés par une nouvelle étude publiée dans The Lancet Global Health. Les données, issues d’hôpitaux situés dans sept pays à revenu faible ou intermédiaire (PRFI), montrent une incapacité criante à réaliser des tests microbiologiques et une inefficacité des antibiotiques prophylactiques utilisés. Cette situation aggrave la lutte contre la résistance aux antimicrobiens, un problème de santé publique mondial, particulièrement aigu dans ces pays.

L’étude s’appuie sur les données secondaires de l’essai FALCON, un projet visant à évaluer l’efficacité de deux interventions – la chlorhexidine à 2 % et les sutures enduites de triclosan – préconisées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour réduire les ISO après une chirurgie abdominale. Ces infections sont parmi les plus courantes dans les soins de santé à l’échelle mondiale, mais les patients des PRFI en souffrent de manière disproportionnée par rapport aux pays à revenu élevé.

Des chercheurs de l’Université de Birmingham, à la tête de cette étude, ont collecté des prélèvements de plaies chez des patients ayant subi une chirurgie abdominale dans sept PRFI : Bénin, Ghana, Inde, Mexique, Nigéria, Rwanda et Afrique du Sud. Leur objectif était d’évaluer la sensibilité aux antimicrobiens des ISO et de passer en revue les capacités des hôpitaux à réaliser des tests microbiologiques, ainsi que leurs pratiques en matière d’antibiotiques.

Sur les 5 788 patients inclus dans l’essai, 1 163 (22 %) ont développé une ISO. Pourtant, seulement 19,6 % de ces patients ont bénéficié d’un test microbiologique. Dans certains hôpitaux, ces tests étaient tout simplement impossibles à réaliser par manque de moyens, tandis que dans d’autres, bien que possibles, ils n’ont pas été effectués. Pire encore, lorsque des prélèvements ont été réalisés, 75 % des résultats ont mis plus de 48 heures à être obtenus, retardant considérablement les traitements appropriés.

Parmi les 200 prélèvements analysés, Escherichia coli a été identifié comme la bactérie la plus courante (37,9 %), suivie par Klebsiella pneumoniae (14 %). Des organismes multirésistants (MDR) ont été retrouvés chez 69,4 % des patients infectés pour lesquels des données étaient disponibles, ce qui souligne la gravité du problème.

L’une des conclusions les plus inquiétantes de l’étude réside dans l’inefficacité des antibiotiques prophylactiques. Sur les 235 micro-organismes détectés, seulement 33 % étaient sensibles à l’antibiotique administré avant l’intervention chirurgicale. Chez les patients infectés par des organismes multirésistants, ce chiffre tombait à 26,7 %, contre 44,6 % chez ceux infectés par des organismes non multirésistants.

Les auteurs de l’étude soulignent que, malgré l’usage répandu d’antibiotiques prophylactiques, leur inefficacité a souvent conduit à une augmentation significative des infections causées par des organismes multirésistants. Cette situation, exacerbée par un manque de tests adéquats, entraîne un recours à des traitements antibiotiques non ciblés, favorisant ainsi la propagation de la résistance.

L’étude met également en lumière des carences systémiques dans les hôpitaux. Seule la moitié des établissements réalisant des tests microbiologiques étaient soumis à des examens réguliers par des équipes de contrôle des infections, et plus d’un tiers n’en faisaient l’objet d’aucun. Une analyse ajustée montre que la disponibilité régulière de telles équipes est fortement associée à une réduction des infections multirésistantes.

Les chercheurs concluent que les failles observées – dans les capacités de dépistage, l’utilisation des antibiotiques prophylactiques et les mécanismes de contrôle des infections – sont représentatives de la majorité des hôpitaux pratiquant la chirurgie dans les PRFI. Ces lacunes participent activement au développement de la résistance aux antimicrobiens, un phénomène que les auteurs qualifient de menace mondiale croissante.

Elizabeth Li, co-auteure de l’étude, insiste sur la nécessité de réformes : « Il y a un manque d’utilisation ciblée des antibiotiques et de tests appropriés pour les infections du site opératoire. L’amélioration des capacités de dépistage, la mise en place de directives locales et la création d’équipes de contrôle des infections sont des mesures cruciales pour prévenir ces infections et réduire la multirésistance. »

Les résultats de cette étude mettent en lumière l’ampleur des défis auxquels sont confrontés les PRFI dans la lutte contre les infections du site opératoire. La résistance aux antimicrobiens, exacerbée par des pratiques inadéquates, nécessite des solutions urgentes, tant au niveau local qu’international, pour éviter que ces infections ne continuent à mettre en péril la santé de millions de patients chaque année.

Nouhad Ourebzani

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