Le 22 juillet 2024, le monde a battu un nouveau record de chaleur avec une température moyenne mondiale atteignant 17,2 °C, un fait alarmant qui a poussé le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, à sonner l’alarme. Ce pic de chaleur, bien qu’extraordinaire, n’est pas un cas isolé. Il témoigne d’un phénomène global qui frappe de plein fouet des pays comme l’Algérie, déjà en proie à des vagues de chaleur de plus en plus intenses. Toutefois, la chaleur n’est qu’un des aspects d’un problème plus large et plus insidieux : l’aggravation de la pollution atmosphérique. Le changement climatique et la pollution forment un tandem mortel qui affecte gravement la santé des Algériens, notamment dans les grandes villes telles qu’Alger, Oran et Constantine.
Chaleur et pollution : un duo meurtrier sous-estimé
La hausse des températures et la dégradation de la qualité de l’air sont intimement liées, et leurs impacts se renforcent mutuellement. En période de canicule, plusieurs phénomènes contribuent à l’augmentation des polluants atmosphériques. La chaleur extrême exacerbe les incendies de forêt, fréquents en Algérie, et ceux-ci libèrent d’importantes quantités de particules fines (PM10 et PM2,5), qui pénètrent profondément dans les poumons et causent des problèmes respiratoires sévères. De plus, la chaleur favorise la formation d’un polluant souvent négligé mais extrêmement dangereux : l’ozone troposphérique. Sous l’effet de la lumière solaire, les émissions industrielles et automobiles réagissent avec des composés organiques volatils (COV) et des oxydes d’azote (NOx), créant une concentration accrue d’ozone.
Cet effet est particulièrement perceptible lors des vagues de chaleur prolongées, rendant l’air encore plus nocif, notamment dans les centres urbains densément peuplés.
Alger et Oran : des cités en surchauffe
Les principales villes d’Algérie, telles qu’Alger, Oran et Constantine, sont particulièrement touchées par l’effet d’îlot de chaleur urbain. Les surfaces bétonnées, le manque d’espaces verts et la forte densité de circulation automobile aggravent la montée des températures. L’été dernier, Alger a enregistré des températures dépassant 50 °C, une situation alarmante à laquelle s’ajoute une pollution atmosphérique en constante augmentation.
En juillet 2024, les villes algériennes ont occupé les premières places mondiales parmi les villes les plus chaudes, selon le site spécialisé OGIMET. Ouargla a atteint 50,1 °C, suivie de près par Hassi Messaoud (49,7 °C) et Adrar (49,0 °C). Ces températures extrêmes, jamais vues auparavant, sont le reflet d’un changement climatique qui s’accélère à une vitesse préoccupante. Les effets combinés de la chaleur et de la pollution rendent ces villes de plus en plus invivables, et les populations, souvent mal préparées, en paient le prix.
Un impact désastreux sur la santé publique
Le réchauffement climatique et la pollution de l’air créent un cocktail dévastateur pour la santé publique. En Algérie, les hôpitaux sont de plus en plus confrontés à des afflux de patients souffrant de maladies respiratoires et cardiovasculaires. L’exposition prolongée à des niveaux élevés de particules fines et d’ozone troposphérique provoque des crises d’asthme, des bronchites chroniques et des infarctus du myocarde. Les populations les plus vulnérables — les enfants, les personnes âgées et les femmes enceintes — sont particulièrement touchées.
Les statistiques mondiales font froid dans le dos : selon des études, environ 490 000 décès annuels sont liés à la pollution par l’ozone troposphérique. En Algérie, bien que les données spécifiques manquent, il est probable que des milliers de vies soient en jeu chaque année en raison de ce fléau silencieux. L’augmentation des vagues de chaleur risque de surcharger davantage les structures sanitaires, déjà sous pression, avec une hausse des hospitalisations pour des maladies liées à la chaleur et à la pollution.
Des actions urgentes nécessaires pour sauver des vies
L’Algérie doit adopter sans plus attendre des mesures fortes pour atténuer les impacts de la chaleur extrême et de la pollution. La mise en place de politiques ambitieuses est indispensable : favoriser la création d’espaces verts en milieu urbain, promouvoir les transports en commun électriques, et accélérer la transition énergétique vers les énergies renouvelables. La modernisation des infrastructures industrielles pour réduire les émissions toxiques est tout aussi cruciale.
Des pays comme le Mexique et la Chine ont démontré que des mesures courageuses peuvent avoir des effets bénéfiques. Le Mexique, autrefois considéré comme l’une des villes les plus polluées au monde, a réussi à réduire de manière significative son niveau de pollution grâce à une série de politiques environnementales rigoureuses. L’Algérie pourrait s’inspirer de ces exemples pour développer des solutions adaptées à ses propres défis environnementaux.
L’urgence d’une prise de conscience collective
Face à ces défis interdépendants, la réponse ne peut être que globale. Les décideurs algériens doivent agir rapidement pour freiner la progression de la crise climatique, mais la solution ne repose pas uniquement sur eux. Une prise de conscience collective est nécessaire. Chaque citoyen doit jouer un rôle dans la lutte contre la pollution et le réchauffement climatique, qu’il s’agisse de réduire sa consommation énergétique, de choisir des modes de transport plus durables ou de sensibiliser son entourage.
Le mois d’août 2024 s’est clôturé avec une température moyenne mondiale de 16,82 °C, soit 1,51 °C au-dessus des niveaux préindustriels. Ce chiffre dépasse déjà le seuil critique de 1,5 °C établi par l’accord de Paris, et 2024 pourrait devenir la première année à franchir durablement ce cap. Pour l’Algérie, comme pour le reste du monde, il est urgent de prendre conscience de la gravité de la situation. Il ne s’agit plus d’éviter la crise, mais d’en limiter les conséquences.
Le réchauffement climatique et la pollution ne sont pas des menaces abstraites. Elles sont là, bien présentes, affectant des millions de vies au quotidien. Le temps d’agir est maintenant, car chaque jour de retard amplifie les risques pour les générations futures.
Amina Azoune