Une étude de grande ampleur, récemment publiée dans la revue Scientific Reports, met en lumière une réalité préoccupante à l’échelle du continent africain : la propagation rapide de bactéries multirésistantes aux antibiotiques. Menée à Wad Medani, dans le centre du Soudan, cette enquête s’inscrit dans un contexte plus large où l’Afrique, déjà confrontée à des défis sanitaires majeurs, voit émerger une menace insidieuse et croissante.
Réalisée sur une période de quatre ans (2020-2023), l’étude a analysé 1 766 échantillons cliniques issus de diverses sources – sang, urines, plaies, sécrétions respiratoires – collectés au centre de pathologie de l’Université de Gezira. Le constat est alarmant : près de 40 % des échantillons contenaient des bactéries résistantes à plusieurs familles d’antibiotiques. Les cas les plus sévères ont été détectés dans les prélèvements sanguins (52,3 %), suivis des plaies infectées (41,2 %).
Les bactéries les plus impliquées ? Staphylococcus aureus chez les Gram positifs, et Proteus spp. chez les Gram négatifs, toutes deux tristement célèbres pour leur capacité à échapper aux traitements de première ligne. Ces souches multirésistantes compliquent considérablement la prise en charge des patients et alourdissent le fardeau des systèmes de santé, déjà fragiles dans de nombreux pays africains.
Au-delà du seul cas soudanais, cette étude pose la question cruciale de la surveillance microbiologique à l’échelle du continent. Le manque d’infrastructures, l’usage non encadré des antibiotiques – souvent accessibles sans ordonnance – et l’absence de politiques de contrôle rigoureuses ont ouvert un terrain fertile à la résistance bactérienne.
Les auteurs de l’étude appellent à une mobilisation urgente : mise en place de programmes nationaux de surveillance, restriction des antibiotiques à usage médical strict, formation du personnel soignant, et sensibilisation du public aux dangers d’un usage abusif des traitements antimicrobiens.
Dans une Afrique qui lutte pour renforcer ses systèmes de santé, la guerre contre les bactéries multirésistantes pourrait bien devenir l’un des plus grands défis du XXIe siècle – une urgence silencieuse qui appelle à des réponses collectives, coordonnées et transfrontalières.
Nouhad Ourebzani