La persistance des politiques climatiques mondiales actuelles pourrait entraîner le basculement d’éléments critiques du système terrestre, selon une étude récente. Des chercheurs, dirigés par Nico Wunderling de l’Institut de recherche sur l’impact climatique de Potsdam (PIK) et Tessa Möller de l’Institut international d’analyse des systèmes appliqués (IIASA) de Laxenbourg, ont simulé différents scénarios de modèles climatiques. Ils concluent que ces risques de basculement pourraient être atténués si le réchauffement climatique était rapidement inversé.
Les « éléments de basculement » dans le système terrestre sont des composants susceptibles de changer soudainement d’état en réponse à de petits changements. Parmi ces éléments figurent la forêt amazonienne et les glaces des mers arctiques. L’étude, publiée dans *Science Advances*, souligne la difficulté de prévoir avec précision les points de bascule, moments où ces systèmes pourraient subir des changements irréversibles.
L’étude identifie trois principales sources d’incertitude dans la prévision des points de bascule du système climatique. Premièrement, les prédictions actuelles reposent souvent sur des hypothèses simplifiées concernant les mécanismes physiques et les influences humaines futures, ce qui peut conduire à des erreurs significatives. Deuxièmement, les observations directes et à long terme du climat sont limitées, ce qui empêche une représentation adéquate de certains composants critiques. Troisièmement, les données climatiques historiques sont souvent incomplètes, avec des lacunes notables dans les périodes récentes. Les méthodes utilisées pour combler ces lacunes peuvent introduire des erreurs supplémentaires.
Un exemple notable est la circulation de retournement méridienne de l’Atlantique (AMOC), une composante clé de la circulation océanique mondiale. Les prévisions sur le moment où ce système pourrait dépasser un point de bascule varient considérablement, allant de 2053 à 8065. Cette large fourchette illustre les incertitudes considérables entourant ces estimations.
Dans une autre étude, également publiée dans *Science Advances*, une équipe dirigée par Maya Ben-Yami de l’Université technique de Munich et du PIK met en lumière les défis de la prévision temporelle des points de bascule. L’étude souligne que l’extrapolation des données passées pour prédire l’avenir comporte de grandes incertitudes, et que même en supposant qu’un élément du système terrestre approche d’un point de bascule, les incertitudes restent trop importantes pour des prédictions fiables.
Eleanor Frajka-Williams, de l’Institut d’océanographie de l’Université de Hambourg, qui n’a pas participé à l’étude, résume : « Il s’agit d’une démonstration convaincante de la prudence avec laquelle nous devons aborder la détermination des points de bascule à partir de méthodes statistiques. »
Ces études mettent en lumière la complexité de la prévision des changements climatiques futurs et l’importance de prendre en compte les incertitudes dans l’élaboration des politiques climatiques. La compréhension et la gestion de ces risques sont cruciales pour éviter des conséquences potentiellement catastrophiques pour les écosystèmes et les sociétés humaines.
Nouhad Ourebzani